Séraphin Ngwej : « La RDC est le pays qui fait le plus en Centrafrique »

Ambassadeur itinérant du président Joseph Kabila, Séraphin Ngwej est aussi l’un de ses conseillers les plus écoutés sur les questions diplomatiques. Pour « Jeune Afrique », il explique pourquoi la RDC s’implique autant dans la crise en Centrafrique.

Un soldat de l’armée congolaise en patrouille dans le Kivu. © AFP

Un soldat de l’armée congolaise en patrouille dans le Kivu. © AFP

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 5 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

La RDC a déjà fort à faire avec les groupes armés sur son territoire, du Nord-Kivu au nord du Katanga. Et pourtant, Kinshasa a envoyé un bataillon complet ainsi que des policiers pour soutenir le gouvernement de Bangui. La présidente de transition, Catherine Samba-Panza, a été accueillie en grande pompe à Kinshasa du 3 au 5 mars. Pourquoi tant d’intérêt pour ce voisin instable ? Entretien avec Séraphin Ngwej.

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Séraphin N’gwej : D’abord, parce que c’est la première femme francophone à devenir présidente. Ensuite, parce qu’elle est un espoir de paix pour son pays. Nous avons voulu lui donner une carrure plus importante et marquer notre solidarité et notre foi dans la paix et la stabilité. Il faut d’ailleurs souligner que Michel Djotodia (l’ancien chef rebelle de la Séléka et président) avait exprimé à plusieurs reprises son souhait d’être reçu à Kinshasa et que le président Kabila a toujours refusé. Il s’oppose à un renversement de l’ordre constitutionnel par les armes.

Nous avons envoyé en Centrafrique des unités d’élite, celles formées par les Belges à Kindu.

La RDC, qui doit faire face à plusieurs rebellions sur son propre sol, a envoyé un bataillon en Centrafrique. N’avez-vous pas d’autres priorités ?

Nous avons non seulement envoyé un bataillon en Centrafrique, mais nous avons choisi des unités d’élite, celles formées par les Belges à Kindu, qui ont fait leur preuves dans l’Équateur et contre le Mouvement du 23-mars, ainsi que des policiers. Nous sommes le pays qui fait le plus au côté de la Centrafrique.

D’abord, aucun autre pays n’a autant de liens, au niveau de la géographie, des peuples et de l’Histoire, avec la Centrafrique. Nous avons une légitimité à intervenir en Centrafrique. Et puis, nous avons déjà connu une situation similaire en 1994, avec ce qui s’est passé au Rwanda. À l’époque, nous avions pensé que tout ceci se passait loin de nous et pourtant nous avons fini par payer un très lourd tribut. Cette fois, nous avons voulu anticiper.

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Est-ce que les rumeurs de rapprochement entre la Séléka et le M23 ont joué un rôle ?

Je viens de vous donner les raisons principales. Cela dit, effectivement, nos ennemis cherchaient à ouvrir plusieurs fronts face à nous. C’était une préoccupation sécuritaire légitime pour nous.

Aucun autre pays n’a autant de liens avec la Centrafrique. Nous avons une légitimité à intervenir.

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Vous inquiétez-vous de la lutte pour le leadership régional qui a lieu, dans cette intervention, entre le Congo-Brazzaville et le Tchad ?

Qu’il y ait des luttes d’influences, cela ne me parait pas anormal. Il y a une émulation entre les États sur la scène internationale. Mais c’est surtout la conséquence d’un chevauchement institutionnel : le président Idriss Déby est le président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et Denis Sassou Nguesso est celui de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). D’ailleurs, nous sommes favorables à un rapprochement entre les deux organisations et il y a des études très avancées en ce sens.

La France semble se rapprocher du Rwanda, qui l’aide aussi en Centrafrique. Est-ce que cette perspective vous inquiète ?

La France et la RDC ont une histoire géostratégique commune. La France est intervenue à plusieurs reprises pour maintenir l’intégrité territoriale du Zaïre, puis du Congo, et a encore un rôle à jouer dans cette région. Nous avons eu un appui diplomatique sans réserve de la part de Paris et il nous est très utile. Cela dit, ce gouvernement est plus que jamais convaincu que la sécurité du pays lui incombe au premier chef. Et donc, avec ou sans soutien de la France, il sera en mesure d’assurer sa propre sécurité. Et puis, il ne faut pas oublier que la France a un lien particulier avec le peuple rwandais, au-delà de l’anglophilie de son gouvernement actuel. Je pense que le rapprochement dont vous parlez doit s’analyser de cette manière.
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Propos recueillis par Pierre Boisselet

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