Mali – Ag Mohamed Assaleh : « J’annonce haut et fort ma dissidence du MNLA »

Ancien haut responsable du MNLA, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh a définitivement rompu avec la rébellion touarègue. Il compte annoncer la création officielle de son propre mouvement à Alger d’ici à la mi-mars. Interview.

Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, le 7 octobre 2012 à Ouagadougou. © Ahmed Ouoba/AFP

Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, le 7 octobre 2012 à Ouagadougou. © Ahmed Ouoba/AFP

Publié le 10 mars 2014 Lecture : 4 minutes.

Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, ancien chargé des relations extérieures du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), joue désormais sa propre partition dans les complexes négociations pour un accord de paix au Nord-Mali. Evincé de la rébellion touarègue à la fin du mois de février, sur fonds de profondes tensions avec son leader, Bilal Ag Acherif, l’ancien député de Bourem va annoncer, d’ici la mi-mars, la création officielle de sa propre organisation à Alger.

Soutenu par les autorités algériennes, ce futur "mouvement politico-militaire", selon les termes de son fondateur, entend enfin faire aboutir l’accord de paix avec le gouvernement malien. D’après Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, cette nouvelle dissidence serait soutenu par une majorité des cadres du MNLA et compterait près de 8 000 combattants armés. De passage à Bamako, où il a officiellement informé les responsables maliens et ceux de la Minusma de sa démarche, le rebelle touareg a reçu Jeune Afrique pour expliquer ses objectifs.

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>> Lire aussi : Algérie, Burkina, Maroc… Un médiateur peut en cacher deux autres

Jeune Afrique : pourquoi avez-vous définitivement claqué la porte du MNLA ?

Ibrahim Ag Mohamed Assaleh : Car je constate qu’avec Bilal Ag Acherif nous resterons dans une situation de "ni paix ni guerre", alors qu’il faut savoir faire la guerre, mais aussi la paix, quand cela est nécessaire.

Que lui reprochez-vous ?

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De vouloir instrumentaliser le combat légitime du peuple de l’Azawad au profit d’autres agendas, notamment ceux de certains États, qui ne correspondent pas aux nôtres.

C’est à dire ?

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Je parle en particulier du conflit entre Rabat et Alger dans lequel nous ne devrions pas nous immiscer, en tant que peuple qui lutte pour son droit à vivre en toute liberté et en toute dignité sur son territoire.

Vous accusez donc Bilal Ag Achérif d’être trop proche des autorités marocaines
 
Ce n’est pas qu’il est trop proche de Rabat. Nous partageons notre frontière avec l’Algérie. S’il n’y avait pas eu la colonisation française, il n’y aurait pas de frontière entre l’Azawad et l’Algérie. Notre peuple est situé de part et d’autre de cette délimitation. Par contre, nous n’existons pas au Maroc.

Et vous, vous ne répondez pas aux intérêts algériens ?

Ecoutez, je suis très indépendant vis à vis des intérêts algériens et nous sommes autonomes dans notre lutte. Si vous pensez que je suis proche d’Alger, je vous réponds "oui, nous le sommes géographiquement et socialement". La majeure partie du sud algérien est occupée par des Touaregs. Je pourrais même dire que je suis à 50% algérien.

Bilal Ag Acherif a-t-il officiellement sollicité une médiation marocaine dans les négociations actuelles entre les groupes armés du Nord du Mali et le gouvernement malien ?

Oui. Il a sollicité une médiation auprès du roi du Maroc. Au lieu de solliciter cette nouvelle médiation, alors que nous avons déjà celle de la Cédéao, grâce à laquelle nous avons signé l’accord de Ouagadougou, il faudrait accepter celle de l’Algérie. C’est un pays frère avec lequel nous partageons les mêmes communautés de chaque côté de la frontière.

Quel est l’objectif de votre dissidence ?

J’ai déclaré haut et fort la création de ma dissidence. J’ai écrit au représentant spécial des Nations unies et chef de la Minusma, M. Bert Koenders, pour l’en informer. Je lui ai fait savoir que nous ne répondions plus aux instances dirigées par Bilal Ag Acherif au sein du MNLA. Nous allons déclarer la création de ce mouvement politico-militaire dans les jours à venir, d’ici la mi-mars, à Alger. Il sera consacré à la défense des droits légitimes du peuple de l’Azawad dans le processus de négociations avec Bamako.

Combien de combattants armés comptera ce mouvement ?

Il est difficile de définir un nombre exact de combattants, car certains se sont prononcés et d’autres attendent notre déclaration officielle pour se prononcer. Mais je suis sûr et certain que nous compterons environ 8 000 hommes. Nous avons aussi l’adhésion de plus de 60% de la population azawadienne.

L’indépendance de l’Azawad n’est plus à l’ordre du jour à partir du moment où nous avons signé l’accord de Ouagadougou.

Comment va s’appeler cette dissidence ?

Son nom sera annoncé le moment venu et chacun l’entendra.

Entendez-vous participer à la relance du dialogue avec les autorités maliennes ?

L’indépendance de l’Azawad n’est plus à l’ordre du jour à partir du moment où nous avons signé le respect de l’intégrité territoriale du Mali dans l’accord de Ouagadougou. Nous allons nous battre pour qu’il y ait un contrat social entre l’Azawad et Bamako sur les aspects politico-institutionnels, sécuritaires, économiques, ou encore socio-culturels, afin d’aboutir à un accord de paix durable. Nous souhaitons des négociations à travers la communauté internationale, la Cédéao, et l’Algérie, pour pouvoir atteindre le maximum des aspirations du peuple de l’Azawad.

Cette nouvelle dissidence ne va-t-elle pas apporter encore plus de confusion dans les négociations de paix ?

Cette dissidence n’apportera pas de confusion parce que nous existerons sans le sigle du MNLA. Nous allons exister sous un autre nom, pour justement éviter toute confusion.

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Propos recueillis par Benjamin Roger, à Bamako
 

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