Génocide rwandais : Paul Kagamé maintient ses accusations contre la France

Lors des commémorations lundi du vingtième anniversaire du génocide rwandais, le président Paul Kagamé a réaffirmé ces critiques contre la France pour son rôle durant le génocide de 1994. L’ONU, quant à elle, a exprimé sa « honte » pour n’avoir pas pu l’empêcher.

François Hollande et Paul Kagamé, le 2 avril 2014, à Bruxelles. © AFP

François Hollande et Paul Kagamé, le 2 avril 2014, à Bruxelles. © AFP

Publié le 7 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Paul Kagamé, a réitéré, lundi 7 avril, lors de son discours des manifestations commémoratives du génocide de 1994, les attaques qu’il a formulées contre la France dans une interview accordée à Jeune Afrique, publiée dans l’édition du 6 avril. Le président rwandais y évoque, entre autres sujets, la relation douloureuse qu’a entretenue son pays avec la France et expose sans ambiguïté le rôle qu’il estime être celui de cette dernière dans le génocide. Des propos qui ont entraîné l’annulation de la participation des représentants français aux manifestations commémoratives à Kigali.

"Les faits sont têtus"

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"Les gens ne peuvent être soudoyés ou forcés de changer leur histoire. Aucun pays n’est assez puissant – même s’il pense l’être – pour changer les faits", a déclaré en anglais le président rwandais avant de lancer, en français, "après tout, les faits sont têtus", déclenchant les acclamations des 30 000 spectateurs rassemblés au Stade Amaharo de Kigali.

"Le temps écoulé ne doit pas occulter les faits, amoindrir les responsabilités ou transformer les victimes en méchants", a-t-il également martelé, faisant apparemment référence aux sévères critiques dirigées récemment contre Kigali par ses plus proches alliés internationaux, États-Unis en tête.

Le vingtième anniversaire du génocide représente un enjeu diplomatique important pour Kigali, qui a longtemps bénéficié sur le plan diplomatique du sentiment de culpabilité de la communauté internationale, restée inerte face aux massacres. Mais les autorités rwandaises ont récemment été accusées – par l’ONU et Washington – de déstabiliser l’est de la RDC et d’être impliquées dans les meurtres ou tentatives de meurtre de dissidents rwandais réfugiés en Afrique du Sud. "Ceux qui pensent que le Rwanda ou l’Afrique ont encore besoin de leur approbation pour être gouvernés comme il se doit par leur peuples, par les dirigeants que leur peuples ont choisis, vivent toujours dans un passé révolu", a rétorqué Paul Kagamé.

"Nous aurions dû faire beaucoup plus"

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Prenant la parole à son tour, quelques temps avant le président rwandais, Ban Ki-moon a reconnu pour sa part que les Nations unies auraient pu mieux faire pour empêcher les massacres de 1994 au Rwanda. "Nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus, a-t-il insisté. "Les Casques bleus ont été retirés du Rwanda au moment où l’on en avait le plus besoin",  a déclaré le secrétaire général de l’ONU, tout en relevant le courage remarquable de membres de l’ONU au Rwanda à l’époque.

L’ONU, impuissante face aux tueries, avait en effet retiré l’essentiel de ses quelque 2 500 soldats déployés au Rwanda, mi-avril 1994, au plus fort des massacres commencés le 7 avril, quelques heures après la mort du président Juvénal Habyarimana, dont l’avion a été abattu la veille au soir au dessus de Kigali. Entre avril et juillet 1994, quelque 800 000 personnes, essentiellement issues de la minorité tutsi, ont été exterminées au Rwanda.

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Les leçons du génocide rwandais

"En l’espace d’une génération, la honte ne s’est pas effacée", a estimé Ban Ki-moon, rappelant qu’un an après le génocide au Rwanda, des Bosniaques musulmans avaient été abandonnés à leur sort dans l’enclave de Srebrenica, censée être protégée par l’ONU.

Ban Ki-moon a toutefois rappelé que le devoir de l’ONU est de toujours protéger les personnes, et a assuré avoir demandé aux représentants onusiens dans le monde d’agir sans attendre des instructions de la hiérarchie si des gens risquent d’être victimes d’atrocités. Dans cette optique, depuis mi-décembre, les portes des bases de l’ONU au Soudan du Sud sont ouvertes à plusieurs milliers de personnes fuyant les combats et les massacres qui déchirent le pays.

"Grâce à ce geste, des milliers de personnes sont encore en vie aujourd’hui – et c’est là un effet des leçons tirées de ce qui s’est passé au Rwanda", a-t-il expliqué. "Nous ne devons pas nous contenter de répéter éternellement ‘plus jamais ça’".

(Avec AFP)

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