Fifa : Sepp Blatter roi nègre ?
À presque 80 ans, Sepp Blatter sera candidat à un cinquième mandat à la tête de la Fifa. Le 8e président de la fédération obtiendra-t-il le soutien du continent où l’on s’éternise au pouvoir ?
Il n’y a pas qu’au sommet des États que les dirigeants rechignent à céder le tablier au terme de trois ou quatre mandats. Est-ce l’Afrique qui inspire Sepp Blatter ? Toujours est-il que le patron de la Fifa fait son Bouteflika. Comme le fraîchement réélu président algérien, à 77 ans, celui de la Fédération internationale de football ne compte pas, à 78 ans, raccrocher les crampons. Vendredi, "papy" Blatter annonçait officiellement sa candidature pour les élections programmées en mai 2015, lui qui dirige depuis 1998 la "multinationale associative" du ballon rond. En 2013, pourtant, il évoquait son possible remplacement "dans un avenir proche, par Jeffrey Webb", le "gamin" – 49 ans – qui préside la Conacaf, la Confédération des États d’Amérique du Nord, du Centre et des Caraïbes.
À 78 ans, raccrocher les crampons, Sepp Blatter ne compte pas raccrocher les crampons.
En entrouvrant ainsi la porte de sortie, le "baobab" suisse entendait-il endormir la vigilance des autres prétendants pour mieux refermer ladite porte sur leurs doigts ? Est-ce plutôt le dernier check-up du presque octogénaire qui lui a promis une santé de fer ? Au jeu des comparaisons, l’Helvète de le Fifa peut indiquer que João Havelange était président jusqu’à l’âge de 81 ans. Et si c’était moins l’âge du "capitaine" que la durée de pouvoir qui devait être le problème, Blatter pourrait rappeler les 33 années de règne de Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde. Ça n’est jamais que la durée de pouvoir de Teodoro Obiang Nguema …
Et Sepp Blatter d’emboucher ces trompettes qui sonnent si familièrement aux oreilles des citoyens africains. Comme le firent plus ou moins explicitement un Mamadou Tandja, un Blaise Compaoré, un Yayi Boni ou un Joseph Kabila, il déroule l’argumentaire de la "mission inachevée". Vieille tactique qui consiste à engendrer des projets, peu de temps avant la fin d’un mandat, pour regretter immédiatement qu’on n’ait pas le temps de les mener à terme. Les politiciens appellent ça les dernières "poses de premières pierres". Régulièrement suivies d’autres…
Si Blatter s’accroche à "sa" Fifa comme un président à sa magistrature suprême, c’est que l’organisation mondiale du foot semble aussi influente que certains États. L’instance n’est-elle pas surnommée les "Nations unies du football" ? Le président de la Fifa a un accès protocolairement aisé aux ors de nombres de Républiques, en particulier sur un continent africain où le football fait tourner les têtes. Quant à imaginer l’ampleur des ressources financières brassées par le boss de cette Fédération, il suffit d’entendre les débats récurrents sur les salaires versés par l’instance. En 2010, le rapport financier annuel de la Fifa faisait état d’une augmentation de 56% des rémunérations d’une trentaine de ses hauts dirigeants, président inclus. Normal qu’un patron de la Fifa chante "Nous pas bouger", quand ses revenus annuels dépassent allégrement le million d’euros. Rappelons que la Fédération est une association à but non lucratif qui n’a théoriquement pas pour objectif l’enrichissement personnel de ses responsables. Et quand, en plus, on entend que la corruption aurait été souvent une grosse cerise sur un gros gâteau…
Le président de la Fifa a un accès protocolairement aisé aux ors de nombres de Républiques, en particulier sur un continent africain où le football fait tourner les têtes.
Mais Sepp Blatter a un autre point commun avec les chefs d’État africains : les polémiques semblent le galvaniser. En 2001, le juge d’instruction du canton de Zoug, Thomas Hildbrand, spécialisé dans les crimes et délits économiques, mena une enquête autour du "système Blatter", décidant une perquisition dans les bureaux de la Fifa à Zurich. Quant à l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, elle continue de cristalliser les critiques. C’est aussi la personnalité même de Blatter qui fut régulièrement critiquée, de ses opinions sur l’homosexualité à ses propos sur le dopage, en passant par son déni du racisme ou ses sautes d’humeur dont furent victimes l’Italien Fabio Cannavaro ou le Portugais Cristiano Ronaldo. "Je suis prêt à assumer la vindicte populaire pour servir le football", rétorque Sepp Blatter.
Les urnes trancheront en mai 2015. Les 209 membres des fédérations affiliées à la Fifa voteront à bulletin secret pour élire le nouveau (ou pas) président. Sepp Blatter sera-t-il taclé par un Michel Platini velléitaire ? Ce dernier ne s’est pas encore déclaré.
>> Lire aussi : Michel Platini sceptique sur le "Ballon d’or" à la sauce Fifa
Pour l’heure, l’euphorie de la prochaine et proche Coupe du monde commence à se faire sentir, notamment en Afrique où l’on observera le parcours du Nigeria, de l’Algérie, du Ghana, de la Côte d’Ivoire et du Cameroun. Pour Blatter, la phase finale pourrait ressembler à un éliminatoire, voire une pré-campagne électorale. Le lobbying battra son plein aux abords des stades brésiliens. L’actuel président de le Fifa milite toujours pour une augmentation du nombre d’équipes africaines présentes à la phase finale de la Coupe du monde. Et l’Afrique, peu sensible aux polémiques, représente plus du quart des fédérations électrices. Chronique d’un plébiscite africain annoncé ?
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Damien Glez
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