Boko Haram : les erreurs de Goodluck Jonathan

S’il a hérité d’une situation explosive et n’est pas le seul responsable de l’échec nigérian face à l’insurrection islamiste dans le nord-est du pays, Goodluck Jonathan n’en a pas moins commis plusieurs erreurs sur le dossier Boko Haram.

Goodluck Jonathan est président du Nigeria depuis le 6 mai 2010. © Reuters

Goodluck Jonathan est président du Nigeria depuis le 6 mai 2010. © Reuters

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Publié le 16 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

À moins d’un an de la prochaine élection présidentielle, Goodluck Jonathan est au plus bas. Dépourvu de majorité parlementaire et déjà en difficulté sur le plan politique, sa côte de popularité est désormais totalement plombée depuis l’enlèvement de plus de 200 lycéennes, mi-avril, à Chibok, par les terroristes de Boko Haram.

Ce rapt a mis en exergue l’échec du président nigérian sur le très sensible dossier de l’insurrection islamiste dans le nord-est du pays. Depuis mai 2010, date de son arrivée au pouvoir, la barbarie de Boko Haram n’a cessé de s’étendre et a fait des milliers de morts. Héritier d’un conflit explosif et mal géré par ses prédécesseurs, l’actuel chef de l’État ne reste pas moins en partie responsable de la situaction actuelle.

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La manière forte

La première erreur de Goodluck Jonathan a été de sous-estimer la menace du groupe d’Abubakar Shekau. Après des premiers affrontements sanglants contre les forces nigérianes durant l’été 2009, Boko Haram s’est discrètement réorganisé à partir de 2010. Cette montée en puissance a été partiellement ignorée par les plus hautes autorités de l’État, président en tête, en raison d’un manque de renseignement réaliste sur la menace terroriste. "Le Nigeria est un pays fédéral, avec de nombreux niveaux hiérarchiques, analyse un expert militaire. Pendant des années, chaque échelon, du plus bas au plus élevé, a eu tendance à rendre des rapports optimistes pour satisfaire le niveau supérieur. Au bout du compte, le compte-rendu de la situation sur le terrain présenté au président n’avait plus rien à voir avec la réalité."

À ce manque de lucidité s’ajoute l’emploi de la manière forte. Face aux exactions toujours plus nombreuses de Boko Haram, Goodluck Jonathan décrète, le 14 mai 2013, l’état d’urgence dans les états de Yobe, Borno, et Adamawa. L’armée nigériane déclenche alors une vaste offensive contre les insurgés islamistes. Deux milles soldats sont notamment déployés dans la forêt de Sambisa, fief du groupe terroriste. Souvent violents et réprimant tous azimuts, ils se mettront rapidement la population à dos. Un an après l’entrée en action des militaires, et alors que Goodluck Jonathan vient de solliciter une prolongation de six mois de l’état d’urgence, les critiques se font de plus en plus nombreuse à l’égard de cette stratégie.

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"Il est difficile de dire quels ont été les aspects positifs de cet état d’urgence, estime par exemple Nnamadi Obasi, spécialiste du Nigeria à l’International Crisis Group. C’est plus un acte politique – pour montrer que des actions sont engagées – sans réelle valeur militaire". Il est régulièrement reproché au chef de l’État d’avoir un manque de vision globale sur le Nord-Est. Sous pression des militaires, on l’accuse d’avoir une approche purement sécuritaire et de délaisser les volets liés au développement économique et humain. "La situation n’est pas évidente pour Goodluck, tempère un haut diplomate occidental. Cette région est le bastion de l’opposition et les élections générales sont dans quelques mois. Certains ont donc intérêt à l’enfoncer".

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Réprimer ou dialoguer ?

Autre reproche adressé au président nigérian : ne pas avoir stoppé le recours à des milices civiles dans la lutte contre Boko Haram. Ces groupes d’habitants armés, souvent encouragés par les responsables politiques locaux, se sont multipliés dans le nord-est du Nigeria au début des années 2000 pour palier au manque d’efficacité des services de police. Les forces de sécurité, mal équipées et peu formées, continuent aujourd’hui à s’appuyer sur ces milices privées. Pour certains, l’engagement de ces civils aux côtés de l’armée régulière explique en partie les massacres de masse commis par les combattants de Boko Haram, qui n’hésitent plus à "raser" des villages entiers.

Enfin, tout comme son prédécesseur Umaru Yar’Adua (2007-2010), Goodluck Jonathan n’a jamais réussi à trancher sur la question du dialogue avec Boko Haram. Ces hésitations ont récemment éclaté au grand jour à la suite du rapt des lycéennes de Chibok. Alors qu’il refuse de négocier sur un échange de prisonniers contre les jeunes femmes, le président s’est aussi dit ouvert à des discussions plus larges avec le groupe islamiste radical pour aboutir à une solution durable. Cette ligne de conduite peu claire semble également de mise au sein du gouvernement. Tandis que le ministre de l’Intérieur a refusé à Boko Haram le droit de poser des "conditions", son collègue des Affaires spéciales s’est dit "ouvert au dialogue" sur "tous les problèmes".

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Benjamin Roger

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