Centrafrique : nouvel organigramme de la Séléka, l’aile dure aux commandes
Comment analyser la restructuration de la Séléka effectuée lors du congrès organisé à N’délé le 11 mai dernier ? Quelles sont les personnalités importantes de ce nouvel organigramme de l’ex-rébellion ? Éléments de réponse.
Le 11 mai, la Séléka organisait un congrès à N’Délé (nord de la Centrafrique) en vue de mettre en place son nouvel état-major et sa coordination politique provisoire. Des représentants de toutes les localités tenues par l’ancienne rébellion étaient présents. Une dizaine de responsables encore basés à Bangui s’y sont également rendus. Ils ont fait le voyage à bord de deux avions affrétés par les Nations unies et l’opération Sangaris. Les généraux Abdoulaye Issène, membre de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), et Moussa Dhaffane étaient présents, ainsi qu’Éric Néris Massi, beau-fils de Charles Massi, l’ancien militaire, parlementaire et ministre décédé en janvier 2010.
À l’issue du congrès, une trentaine de personnalités ont été désignées pour diriger la Force armée républicaine (FAR), nom officiel de l’ex-Séléka. Une liste au sein de laquelle ne figurent ni Nourredine Adam, ni Abakar Sabone (ancien conseiller spécial de Michel Djotodia), ni Moussa Dhaffane.
>> Abakar Sabone : "La guerre avec les anti-balaka commence" en Centrafrique
Joseph Zindeko est le nouveau chef d’état-major. Originaire de Tringoulou (extrême Nord-Est), Zindeko a pendant longtemps été membre d’une patrouille anti-braconnage. En 2006, il rejoint l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) de Michel Djotodia qui le hisse au rang de commandant puis de colonel. Après le renversement de François Bozizé en 24 mars 2013, Djotodia nomme Joseph Zindeko au rang de général de brigade. Ce dernier est donc un proche de l’ancien président centrafricain.
Son adjoint, le général Al Khatim fait partie de ces rebelles tchadiens ayant participé au coup d’État de François Bozizé en 2003. Considéré comme un des durs de la Séléka, cet "ancien libérateur" était jusque-là le responsable de la zone de Sido, ville frontalière avec le Tchad, où ses hommes sont accusés d’avoir commis de nombreuses exactions.
Rakiss contre Déby
Al Khatim n’est pas le seul "libérateur" présent dans l’organigramme. Le général de brigade Adam Rakiss a été nommé directeur général de la police. Après le coup d’État de 2003, négligé par le régime de François Bozizé, ce Tchadien décide de reprendre les armes. En 2005, il rencontre le capitaine Mahamat Nour, le leader du Front uni pour le changement (FUC), à Khartoum. Les deux hommes s’entendent. Moins d’un an plus tard, en avril 2006, Rakiss participera à l’attaque du FUC sur N’Djamena. Ce jour-là, Idriss Déby Itno ne doit sa survie à la tête de l’État qu’à l’intervention de l’armée française.
Un autre "comzone" occupe lui le poste d’officier chargé des opérations. Il s’agit du général Ali Nassaraza Darassa qui officiait dans la zone de Berberati. Après la démission de Michel Djotodia, lui et ses hommes se sont établis à Bria avant d’en être chassés par l’armée française.
La Séléka a également désigné son nouveau porte-parole en la personne du général Ahmat Nadjad Ibrahim. Son adjoint, le colonel Christian Djouma Narkoyo, également directeur général de la gendarmerie, fut le porte-parole de la Séléka lors de son offensive sur Bangui en mars 2013.
L’ombre de Nourredine Adam
Visé par les sanctions onusiennes et américaines, Nourredine Adam n’est pas présent dans le nouvel organigramme. Son influence n’en reste pas moins palpable. Un des quatre chargés de missions désignés, Bachar Fadoul, n’est autre que son ancien adjoint à la Cedad (Comité extraordinaire de la défense des acquis démocratiques), la police politique du régime de Djotodia.
"En se réorganisant, la Séléka cherche à mieux assoir voir à étendre son contrôle militaire, analyse un diplomate français. Lors du congrès, nous avons entendu des mots comme "territoire sous juridiction", ou "partition". "Les militaires les plus durs l’ont emporté. L’aspect politique a été mis de côté car les leaders n’ont pas réussi à s’entendre", poursuit une source sécuritaire.
De fait, la coordination politique établie à N’délé n’est que provisoire. Sa mission est "de préparer et d’organiser l’élection des membres du futur bureau politique dans un délai d’un mois". Abdoulaye Issène en est le coordinateur, Mustapha Sabone (le frère d’Abakar Sabone) le secrétaire général. Enfin, Eric Massi, qui fut le porte-parole du mouvement rebelle a été nommé médiateur avec les ONG et les institutions internationales. L’essentiel de ses membres est basée à Bangui et semble déjà mise sur la touche par le nouvel état-major, qui entend bien assumer toute la direction du mouvement.
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Par Vincent DUHEM
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