Ebola : le virus s’arrête-il vraiment aux frontières ?
Pour éviter la pénétration du virus Ebola sur leur territoire, les pays encore épargnés renforcent la surveillance au niveau de leurs frontières. Est-ce suffisant pour empêcher la maladie de traverser les frontières en Afrique de l’Ouest où il existe de nombreux points de passage illégaux ? Enquête aux frontière du Togo avec le Ghana et le Bénin.
Nous sommes à Casablanca, un quartier situé au nord-ouest de Lomé au Togo. Une petite piste aménagée serpente à travers des buissons. Bienvenue à l’un des nombreux points de passages clandestins situés le long de la frontière Togo-Ghana. Alors qu’une centaine de personnes y défilent tous les jours dans les deux sens, aucun contrôle d’identité n’est effectué. On n’y constate non plus aucun dispositif sanitaire lié à Ebola. Le virus, ici, on n’en parle pas.
Cinq kilomètres un peu plus au Sud, c’est-à-dire à la frontière (officielle) Togo-Ghana, poste de Kwadjoviakopé, tout un dispositif est mis en place par les autorités publiques. Ces mesures ont été décidées par les autorités de la sous-région pour empêcher la propagation du virus. Une équipe de personnes habillées en blouse blanche, contrôle quotidiennement, thermomètres infrarouges en mains, les 25 000 passants.
"Au-delà des 38°, un dispositif est mis en route permettant de déterminer la provenance du voyageur ou encore son itinéraire de transit… Des contrôles sont effectués. Si au bout de quelques jours, la personne ne présente plus aucun signe, on la libère", indique Yawo Azih, assistant au service Hygiène de l’État et responsable de l’unité contrôle sanitaire du poste frontière.
À Hillacondji, poste frontière entre le Togo et le Bénin, les mêmes précautions sont prises. Et même si en plus du précédent dispositif des informations sont affichées et des bornes de lavages de mains installées, les voyageurs doutent malgré tout de la pertinence de ces mesures.
Un des nombreux passages clandestins entre le Togo et le Ghana. © Edmond d’Almeida/J.A.
>> Lire aussi : Ebola: plus de 2400 morts en Afrique de l’Ouest, selon l’OMS
Frontières poreuses
Si il n’existe dans le monde aucune frontière totalement hermétique, en Afrique le phénomène est plus accentué, principalement à cause de la nature superficielle des tracés hérités de la colonisation.
À Agouegan, village situé entre le Togo et le Bénin, la traversée s’effectue en pirogue et coute moins de 500 francs CFA. Principalement empruntée par les personnes n’ayant pas de documents d’identités ou de carnets de vaccination (ils doivent payer 1 000 francs CFA pour traverser des deux côtés du poste frontière officiel), ce passage voit défiler chaque jour autant de personnes qu’au poste de Hillacondji. Pour éviter les tracasseries à la frontière, Séwa a préféré faire transiter la dépouille de son frère décédé à Lagos (Nigeria), par le passage illégal. "Je dois ramener mon frère pour être inhumé dans notre village à Agbodrafo (ville située au sud-est du Togo), mais à la frontière ils nous soumettent à de nombreuses tracasseries", se justifie-t-il.
En réalité, les dépouilles mortelles sont également soumises à un contrôle. Les agents sanitaires vérifient le certificat de décès et de non contagion, l’origine et la destination du cadavre. Lorsque la cause de la maladie semble inquiétante, l’information est transmise aux services d’hygiène et d’assainissement qui s’occupent de l’enterrement. Mais Yawo Azih, le responsable des contrôles sanitaire du poste de Kwadjoviakopé est inquiet. "Les autorités doivent prendre en main le problème de ces frontières anarchiques car la véritable menace viendra certainement de là".
Au Togo comme dans tous les pays encore épargnés par Ebola, les alertes de cas suspects reviennent souvent et créent une psychose au sein de la population. À défaut de pouvoir contrôler les milliers de points de passage illégaux, le gouvernement espère que l’intense campagne de sensibilisation permettra de maintenir à distance l’épidémie.
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