Burkina : accord pour une transition dirigée par une « éminente personnalité civile »

Un accord sur la transmission du pouvoir aux civils a été trouvé mercredi soir au Burkina. Aucune personnalité n’a toutefois été désignée pour diriger cette période de transition d’un an devant conduire à la tenue d’élections en novembre 2015. Décryptage.

Réunion à Ouagadougou, le 5 novembre. © AFP

Réunion à Ouagadougou, le 5 novembre. © AFP

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Publié le 6 novembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Arrivés mercredi 5 novembre à Ouagadougou en tant que médiateurs de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans la crise burkinabè, les présidents John Dramani Mahama (Ghana), Macky Sall (Sénégal), et Goodluck Jonathan (Nigeria) sont parvenus à décrocher un accord à minima entre l’armée, les leaders politiques, la société civile, et les chefs religieux et traditionnels sur la suite de la période de transition.

  • Que prévoit cet accord ?

L’accord annoncé mercredi soir, après plusieurs heures d’intenses négociations, n’a pas atteint l’objectif fixé en début de journée : la désignation d’une personnalité civile chargée de mener la transition.

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Selon le communiqué de la Cédéao, "les parties prenantes burkinabè" sont toutefois tombées d’accord sur la "levée immédiate de la suspension de la Constitution", la "nomination urgente par consensus d’une éminente personnalité civile pour présider la transition", et la "formation d’un gouvernement de transition pour une période d’un an". Le texte indique que des élections présidentielle et législatives seront organisées d’ici novembre 2015.

L’accord stipule enfin, sans plus de précisions, que les protagonistes poursuivront leurs consultations pour "arrêter la structure et la composition des organes de transition". À en croire John Dramani Mahama, président en exercice de la Cédéao, qui s’est exprimé devant la presse dans la soirée, cela devrait être fait "d’ici quelques jours plutôt que quelques semaines".

  • Qui sera chargé de mener la transition ?

Arrivés mercredi matin en tant que médiateurs, les présidents John Dramani Mahama (Ghana), Macky Sall (Sénégal), et Goodluck Jonathan (Nigeria), n’ont donc pas réussi à repartir de Ouagadougou avec le nom d’un président civil de transition en poche.

Les trois chefs d’État se sont d’abord entretenus avec le lieutenant-colonel Zida, au pouvoir depuis la démission de Blaise Compaoré, pour s’assurer qu’il entendait bien transmettre les rênes de la transition aux civils. Ils ont ensuite successivement reçu les leaders politiques, les représentants de la société civile, les chefs religieux et traditionnels, et enfin les cadres de l’ancienne majorité présidentielle.

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Chaque groupe a alors été chargé de proposer, avant la fin de journée, trois candidats civils pour présider la transition. Pour les médiateurs, cette méthode devait être simple et rapide : le candidat qui rassemblerait le plus de voix serait désigné. Sauf que ce procédé inédit n’a pas remporté un franc succès. Plusieurs protagonistes burkinabè ont estimé que ce n’était pas à la médiation ouest-africaine de nommer leur futur président de transition. D’autres ont considéré qu’il fallait d’abord mettre sur pied un organe exécutif transitoire. En fin de journée, la confusion était totale dans le hall de l’hôtel Laico, où avaient lieu les discussions. De son côté, la médiation de la Cédéao, qui espérait se présenter jeudi au sommet d’Accra avec un candidat, a été contrainte de revoir ses objectifs à la baisse.

  • Quelle sera la place accordée aux anciens cadres de la majorité ?
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Autre problème de taille dans ces tractations : la place accordée aux cadres de l’ancienne majorité présidentielle. Au nom d’un dialogue "inclusif", Alain Yoda et Zacharia Tiemtoré, deux soutiens de Blaise Compaoré, ont été invités par les médiateurs à prendre part aux négociations sur la transition. Leur arrivée dans la salle pour la dernière séance plénière a déclenché la fureur des représentants de la société civile et de l’opposition, qui ont immédiatement quitté les lieux en criant leur indignation.

Il a fallu le départ des deux hommes pour que les protestataires regagnent leurs places autour de la table. Dans ces conditions, difficile d’imaginer comment les membres de l’ancienne majorité pourraient participer au futur processus de transition.

  • Quel rôle occuperont les militaires ?

Pressé par la communauté internationale, le lieutenant-colonel Zida s’était engagé oralement mardi à rendre le pouvoir aux civils. Le communiqué de la Cedeao montre qu’il a tenu sa promesse. Reste à savoir combien de temps cela va prendre. 

"Une chose est certaine : Zida a accepté de lâcher les rênes de la transition, mais cela ne se fera pas contreparties pour l’armée", glisse une source diplomatique. Autrement dit, les militaires joueront un rôle au sein de la transition et contrôleront très probablement des ministères clés comme ceux de la Défense, de la Sécurité, ou encore de l’Administration territoriale.

Il n’est pas non plus exclu que l’avenir personnel du lieutenant-colonel Zida ait été au cœur des discussions. La garantie de l’obtention du statut d’ancien chef d’Etat – et de tous les avantages qui y sont liés – est évidemment un argument de poids dans ce genre de situation.

>> Pour aller plus loin : retrouvez ici tous nos articles sur la crise burkinabè

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Benjamin Roger, envoyé spécial à Ouagadougou
 

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