Exclusif – Slim Chiboub, gendre de Ben Ali : « Je rentre en Tunisie la semaine prochaine »
Dans une interview exclusive accordée à « Jeune Afrique », Slim Chiboub, le gendre du président tunisien déchu Zine el-Abidine Ben Ali, annonce son intention de rentrer dans son pays « la semaine prochaine, probablement le 18 novembre. » Et explique vouloir « essayer de tourner la page du passé ».
L’homme d’affaires et ancien président du club L’Espérance sportive de Tunis, Slim Chiboub, 55 ans, prépare son retour en Tunisie. En exil aux Émirats arabes unis depuis janvier 2011, le gendre de Zine el-Abidine Ben Ali est dans le viseur de la justice tunisienne et recherché par Interpol. Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique depuis Abou Dhabi, il explique les raisons de son retour… et annonce une date : le mardi 18 novembre.
Jeune Afrique : Quelle est votre vie depuis le départ de Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011 ?
Slim Chiboub : Je suis installé à Abou Dhabi depuis cette date. Toutefois, contrairement à ce qui a été dit, je n’ai pas quitté et encore moins fui la Tunisie à la chute du régime. Pour être clair, j’étais en mission en Libye avant le 14 janvier 2011. J’y ai rencontré des personnalités politiques à un moment où nul n’évoquait de révolution. À Tripoli, j’ai tenté d’obtenir des aides financières destinées à des quartiers populaires tunisiens afin d’améliorer des vies et d’apaiser le climat social. C’est d’ailleurs de ces quartiers populaires qu’ont démarré les problèmes qui ont abouti à la chute du régime. Depuis Tripoli, je suis directement parti aux Émirats arabes unis où mon fils se trouvait en vacances. Depuis je n’ai pas quitté Abou Dhabi.
Pourtant, à ce moment là, des médias ont fait état de votre interpellation, et de vos tentatives de fuite…
À mon insu, j’ai fait partie d’un scénario. Je me souviens d’Al-Jazira qui montrait une séquence de Tunisiens courant après un camion des forces de l’ordre dans lequel j’étais soi-disant prisonnier ! Puis on a dit que j’étais blessé, que j’avais tenté de franchir les frontières. Plus que des rumeurs, c’était alors une volonté délibérée de faire chuter le régime par tous les moyens.
Quelle est aujourd’hui votre situation judiciaire ?
Je suis toujours sur notice rouge d’Interpol et je n’ai pas voulu bouger des Émirats arabes unis afin de ne pas mettre de pression sur ma famille qui est en Tunisie. J’ai été condamné par contumace par la justice tunisienne à cinq ans de prison pour détention illégale d’armes. Et ce, sur la base des témoignages de deux individus qui ont déclaré avoir été dans un véhicule qui m’appartenait dans lequel une arme était rangée. Or ce véhicule ne m’appartient pas. J’attends donc de rentrer en Tunisie pour contester ce jugement. J’ai une confiance totale dans la justice de mon pays, donc je n’ai pas d’appréhension.
Pourquoi voulez-vous rentrer maintenant en Tunisie ?
On ne m’a jamais donné l’occasion de rentrer dans mon pays. D’ailleurs, je n’ai toujours pas reçu de passeport malgré plusieurs demandes de renouvellement effectuées par l’intermédiaire de mon avocat au ministère de l’Intérieur. À ce jour, je n’ai eu aucun retour. Je vais donc faire le forcing, si je puis dire, pour rentrer dans mon pays même sans passeport ou plutôt avec mon passeport périmé. Car je ne veux pas rentrer illégalement comme un vulgaire contrebandier. Et mon pays m’acceptera.
Quand comptez-vous rentrer ?
La semaine prochaine. Probablement mardi 18 novembre. J’ai entendu certains dire que je rentrerai une fois que le président de la république sera élu. C’est faux. D’ailleurs, je n’ai aucun problème ni avec les partis politiques, ni avec le pouvoir actuel, ni avec le futur pouvoir.
J’ai des comptes à rendre à la justice, oui. Aux Tunisiens non, car je n’avais aucune position politique.
Avez-vous pris attache avec les autorités judiciaires afin d’avoir des "assurances" quant à votre retour et sur le traitement qui vous sera réservé ?
Pour ce qui est des assurances, comme vous dites, les politiques eux-mêmes n’en ont pas vraiment, comment voulez-vous qu’ils m’en donnent ?
Ne redoutez-vous pas que ce retour puisse être perçu comme une ingérence dans la campagne présidentielle ?
J’ai fait de mon mieux pour ne pas m’inviter dans le processus des élections législatives. Quant à mon retour, la campagne présidentielle sera terminée et les dés seront jetés. Mais je m’astreindrai à une stricte obligation de réserve. Je ne ferai pas de déclarations politiques et encore moins des meetings. Je veux me concentrer sur la résolution de mes problèmes judicaires.
Le retour de l’ex-ministre du Commerce Mondher Zenaidi vous a-t-il encouragé dans votre démarche de retour en Tunisie ?
Absolument pas. Je n’ai attendu le retour de personne pour prendre ma décision.
Estimez-vous avoir des comptes à rendre aux Tunisiens ?
À la justice oui. Aux Tunisiens non, car je n’avais aucune position politique.
Avez-vous été en contact avec Ben Ali depuis le 14 janvier 2011 ?
Très rarement. Nous n’avions plus de relations depuis 2002. J’ai eu à le contacter après le 14 janvier 2011, mais aujourd’hui nous ne sommes plus en lien.
Pensez-vous reprendre vos activités sportives ou encore la présidence de L’Espérance ?
Je suis sportif avant d’avoir été dans la "politique". J’ai d’abord été joueur international pour finir dans les instances internationales, à la Fifa notamment. J’en reste là. Mais pas question de revenir à la présidence de l’Espérance. J’ai eu mon lot de souffrances avec ce club que j’ai servi loyalement durant 15 ans. Le relais a été assuré et le club se porte très bien aujourd’hui. Je ne peux que m’en réjouir.
Comment envisagez-vous votre vie après votre retour en Tunisie ?
Comme un citoyen dans son propre pays. Je vais essayer de tourner la page du passé pour vivre sereinement avec ma famille, dans ma société. J’ai des dossiers à clôturer avec la justice et encore une fois j’ai confiance. J’accepterai les décisions de la justice démocratique tunisienne. Notre révolution n’a mis personne en prison, alors pourquoi moi ?
Comment percevez-vous l’évolution de la Tunisie depuis le 14 janvier 2011 ?
Pour l’élite politique, intellectuelle et culturelle, on a vu apparaître beaucoup d’espaces d’expression, de la liberté de la presse à celle des opinions. Ce qui manquait auparavant. Mais la situation économique est préoccupante. On a assisté à de nombreuses grèves et mouvements sociaux. Et des facteurs exogènes tels que notre proximité avec la Libye impactent notre économie. Il est donc grand temps que notre élite politique, après ces deuxièmes élections réussies – ce qui est extrêmement positif -, mette en œuvre une relance économique. Et ce dans les plus brefs délais. Mais aujourd’hui, j’estime que la Tunisie est une démocratie. C’est d’ailleurs une réussite rare de ce pseudo-Printemps arabe.
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Propos recueillis par Joan Tilouine
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