Burkina : Kafando-Zida, une cérémonie de transfert ou de partage des pouvoirs ?
Le président de la transition burkinabè entrera officiellement en fonction ce vendredi lors d’une cérémonie de transfert des pouvoirs avec le lieutenant-colonel Isaac Zida, qu’il a nommé Premier ministre et avec lequel il partage désormais le pouvoir.
Michel Kafando sera officiellement investi président de transition ce vendredi 21 novembre au Burkina Faso. Mais ce moment solennel, trois semaines après la chute de Blaise Compaoré, ne devrait pas dissiper les doutes sur sa marge de manoeuvre pendant les douze prochains mois. Le président, lié à un accord passé entre civils et militaires avant sa nomination, a en effet désigné au poste de Premier ministre le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, homme fort du pays depuis la démission de "Blaise". L’armée, dont les représentants avaient soutenu la candidature de Michel Kafando à la présidence et dont plusieurs membres seront nommés au gouvernement, devrait donc rester aux manettes.
Sept chefs d’État, représentant la Mauritanie – le président en exercice de l’Union africaine (UA) -, le Ghana – actuellement à la tête de la Cédéao, l’union économique ouest-africaine -, le Sénégal – dont le président était l’émissaire de la Cedeao dans la crise burkinabè -, le Togo, le Bénin, le Mali et le Niger ont confirmé leur présence. La Côte d’Ivoire enverra son ministre des Affaires étrangères à la cérémonie, qui se tiendra à 17h00 (locales et GMT) au Palais des sports, une enceinte récente de 3 000 places située dans Ouaga 2000, un quartier aisé de la capitale.
Michel Kafando, un diplomate émérite, qui a représenté son pays durant une quinzaine d’années à l’ONU, sera alors officiellement à la tête du Burkina Faso pour un an. La période de transition s’arrêtera en novembre 2015 avec la tenue d’élections présidentielle et législatives. Ni Kafando ni Zida ne pourront participer à ces scrutins.
>> Lire aussi Burkina : le récit de la chute de Compaoré, heure par heure
"Gueule de bois"
La désignation de Michel Kafando lundi, après des heures de discussions, ponctuait deux semaines de tractations au pas de charge, menées par une armée visiblement désireuse de laisser les rênes officiels du pays aux civils. Cet ex-ambassadeur expérimenté, au profil de technocrate, avait fait l’unanimité et sa prestation de serment, mardi, avait été applaudie.
Le lendemain, l’intronisation par décret présidentiel d’Isaac Zida au poste de Premier ministre avait à l’inverse eu "un peu un goût" de "gueule de bois", selon un diplomate, pour lequel Zida sera celui qui dirigera le pays. Dans les faits, le nouveau chef du gouvernement avait déjà pris la main dans des domaines importants. Deux patrons d’entreprises publiques, proches de la famille Compaoré, ont été remerciés "pour sabotage". Les conseils municipaux et régionaux, dans lesquels les pro-Compaoré étaient fortement majoritaires, ont eux été suspendus.
Autant de mesures attendues par certains Burkinabè, las d’années de corruption perpétrée sous Compaoré. D’autres étaient en revanche plus réservés, comme ce fonctionnaire de 28 ans dénonçant mardi un "one man show" populiste du lieutenant-colonel, dont la promotion au rang de général devrait rapidement suivre, selon ses proches.
Le gouvernement connu samedi
La société civile, en pleine bataille interne pour désigner ses futurs ministres ou ses membres siégeant dans l’assemblée intérimaire, se montre pour l’instant attentive et ne s’inquiète pas. Au pouvoir, des civils sont parfois "pires que des militaires", relève Sams’K le Jah, chanteur et co-fondateur du Balai citoyen, un mouvement dont les capacités de mobilisation de la jeunesse ont compté dans la chute de Compaoré.
La composition du gouvernement de Yacouba Isaac Zida devrait être connue au plus tard samedi. De son côté, le président déchu Blaise Compaoré est arrivé jeudi soir au Maroc en provenance de Côte d’Ivoire, où il se trouvait en exil depuis sa démission.
(Avec AFP)
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