Ebola – David Nabarro : « Non, la situation n’est pas sous contrôle »

David Nabarro, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour Ebola, analyse la récente baisse du nombre de nouveaux cas de malades enregistrés dans les pays touchés par l’épidémie. Mais il se garde de tout optimisme.

David Nabarro : « Les chiffres d’Ebola sont bons, mais nous sommes très inquiets pour l’avenir ». © ONU/Mark Garten

David Nabarro : « Les chiffres d’Ebola sont bons, mais nous sommes très inquiets pour l’avenir ». © ONU/Mark Garten

ANNE-KAPPES-GRANGE_2024

Publié le 30 janvier 2015 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : l’épidémie paraît marquer une pause. Peut-on espérer en voir bientôt la fin ?

David Nabarro : Les chiffres indiquent un recul énorme, c’est vrai. Mais nous n’en avons pas fini avec Ebola, loin de là, et il est indispensable d’en avoir bien conscience. L’épidémie peut repartir à tout instant, et très rapidement, si on ne continue pas à se battre. Il faut maintenir la pression jusqu’à ce que l’on ait trouvé et guéri le dernier cas. Dans beaucoup de crises, on a tendance à relâcher nos efforts quand la situation paraît s’arranger. Avec Ebola, on ne peut pas se le permettre. Il faut au contraire intensifier la lutte, trouver les derniers malades et les soigner. Un seul cas suffit pour que tout s’embrase à nouveau.

Moins de 50 % des nouveaux cas sont détectés en retraçant les contacts des victimes d’Ebola.

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En quoi les derniers cas sont-ils plus difficiles à détecter ?

Quand les cas sont peu nombreux, ils sont plus faciles à cacher dans les villages et il nous est extrêmement difficile de les repérer.

N’êtes-vous pas alarmiste ?

Absolument pas. Il y a un chiffre qui nous inquiète particulièrement : aujourd’hui, moins de 50 % des nouveaux cas sont détectés lorsque nous retraçons les contacts des victimes d’Ebola. Cela veut dire qu’une fois sur deux – et ce chiffre est énorme – un nouveau cas est pour nous une surprise. Une fois sur deux, nous ne savions pas que le malade avait été en contact avec une personne contaminée. C’est ce qui nous fait dire que non, la situation n’est pas sous contrôle. Ce n’est que quand tous les nouveaux cas apparaîtront dans les listes de contact que nous pourrons espérer gagner contre Ebola.

En Guinée, le virus est encore présent dans 23 préfectures sur 66.

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Donc il ne faut pas crier victoire trop vite…

Exactement. D’autant qu’aujourd’hui, le virus est encore présent dans 23 des 66 préfectures que totalisent ensemble la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone. Cela témoigne d’une dispersion sérieuse, sur un territoire très étendu. J’ajoute que parmi les nouveaux cas que nous avons en ce moment, on remarque les patients ne se présentent pas dès le début des symptômes au centre de traitement. Parfois, il peut se passer six à huit jours avant que les malades ne se signalent. C’est un laps de temps pendant lequel ils sont contagieux. Les chances de parvenir à les soigner diminuent également. Donc oui, les chiffres sont bons, mais nous sommes très inquiets pour l’avenir et si les gens commencent à penser que la partie est gagnée et relâchent leur vigilance, Ebola peut repartir de plus belle.

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Propos recueillis à Addis-Abeba par Anne Kappès-Grangé

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