Togo : la campagne présidentielle s’empare du web
Les Togolais iront voter le 15 avril. Les cinq candidats en lice pour la présidentielle affûtent leurs programmes, leurs argumentaires et leur image. Cette année, pour la première fois, c’est aussi sur le web et les réseaux sociaux que les équipes s’agitent pour convaincre les électeurs.
Le 16 mars, un opposant togolais a appelé ses partisans à inonder la toile de selfies avec le mot clé #Gamesu pour réclamer une élection présidentielle transparente. Une drôle d’initiative pour une homme politique de premier plan qui révèle une chose : au Togo aussi, le web a acquis une importance stratégique dans la bataille électorale.
Depuis plusieurs années, internet s’est imposé comme le premier moyen d’information auprès d’une jeunesse togolaise déboussolée par la polarisation des médias traditionnels et auprès d’une diaspora soucieuse de rester au contact de l’actualité politique du pays. En cette période de pré-campagne, les acteurs redoublent donc d’ardeur sur leurs sites et sur les réseaux sociaux pour solliciter les suffrages des électeurs.
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Candidats gazouilleurs
Le président sortant Faure Gnassingbé et Gerry Tamaa, l’un de ses adversaires, sont incontestablement les deux concurrents les plus engagés sur la toile. Le premier est connu pour sa discrétion. Mais sur les réseaux sociaux, il parle beaucoup. Ou, à tout le moins, le fait-on parler.
Le 15 mars, au lendemain de la validation de sa candidature par la Cour constitutionnelle, le chef de l’État a posté un long message à ses "chers amis de la cybercommunauté" pour leur donner rendez-vous pour la campagne officielle. "Dans les jours à venir et dans le strict respect du calendrier électoral, je viendrai à vous, où que vous soyiez. Nous échangerons par ce canal et bien d’autres habituels", indiquait-il. Un message liké par près de 5 000 de ses 56 500 fans sur Facebook.
Gerry Taama lui, est jeune et très porté sur le "net" qui est d’ailleurs le sigle de sa formation politique, le Nouvel engagement togolais. Candidat surprise à cette présidentielle, il se présente volontiers comme celui dont le compte Facebook attire le plus de personnes en terme d’interactivité. En effet, même s’il ne dispose que de 18 600 mentions "J’aime" – trois fois moins que Faure Gnassingbé -, Gerry Taama peut se targuer d’avoir un compte bien soigné, avec des publications régulières. Il dispose à cet effet d’une dizaine de community managers qui se relaient pour alimenter ses pages.
Ce matin. Ma délégation et moi entamons la troisième phase de notre tournée des fédérations. Lacs.,bas mono,… http://t.co/sJfnJmwCAC
— Gerry TAAMA (@GerryTaama) 17 Mars 2015
Des communautés très actives
Les candidats ont leurs pages certes, pour relayer leurs messages, mais le gros du travail de séduction se passe au sein des communautés Facebook.
Sur Facebook, Togo Info (63 000 membres) et Lomé Infos (23 000 membres) sont de véritables plateformes au sein desquelles s’affrontent les partisans des formations présentes sur la scène politique. Et si Jean-Pierre Fabre, principal adversaire de Faure Gnassingbé rechigne à se lancer sur les réseaux sociaux, un groupe CAP 2015 (6 423 membres) a été créé pour diffuser les informations relatives à sa candidature.
L’application mobile WhatsApp, prisée des plus jeune, est également mise à profit en cette période électorale. De nombreux groupes au sein desquels se côtoient personnalités politiques, militaires, hommes d’affaires ou journalistes se forment. Certains candidats comme Gerry Taama et Mohamed Tchassona Traoré participent directement à ces discussions où de strictes règles de bienséance sont imposées pour "élever la qualité des débats", explique Salomon Wilson, administrateur de l’un de ces groupes.
Webactivisme professionnel
L’activisme sur les réseaux sociaux tend depuis quelques années à se professionnaliser au Togo. Des rédacteurs particulièrement agiles en la matière gèrent plusieurs comptes à la fois, au nom de personnalités politiques, et mènent les discussions au sein des forums de discussions. "Cette manière de procéder n’est pas particulière à un camp", explique l’un d’entre d’eux qui avoue gagner autour de 100 000F CFA (150 euros) par mois grâce à cette activité.
Une publication d’un activiste "pro Fabre".
Les échanges sont souvent rudes. Mais comme l’indique un habitué de ces joutes, "une forme d’amitié finit par naître entre activistes qui n’hésitent d’ailleurs par à dénoncer ceux dont les propos appellent à la haine".
La circulation des photos et vidéos togolaises
L’image est au centre de la stratégie des différents acteurs de cette période électorale au Togo. Pour Faure Gnassingbé, qui multiplie les déplacements à l’intérieur du pays, il s’agit surtout de montrer sa proximité avec ses électeurs et de rendre visible le bilan de ses précédents mandats. Un film aux allures de superproduction est relayé sur le web depuis l’officialisation de sa candidature pour mettre en avant les réalisations du chef de l’État.
Film-bilan des réalisations de Faure Gnassingbé
Dans le camp de l’opposition, des clichés et photomontages des violences qui ont émaillé les précédentes élections présidentielles circulent sur la toile pour décrédibiliser Faure Gnassingbé, coupable selon les auteurs d’avoir "accédé au pouvoir dans des conditions calamiteuses en 2005".
Une chaîne YouTube appuyée par un site internet et une page Facebook relaient les vidéos des manifestations des différentes composantes de l’opposition.
L’impact des informations (et surtout des rumeurs) relayées sur la toile est tel que des opérations de sensibilisation ont été lancées à destination de la population. Avec le soutien financier du PNUD, le Groupe de réflexion et d’action Femme démocratie et développement (GF2D) a organisé le 6 mars à Lomé un atelier de formation pour sensibiliser les internautes sur les attitudes à adopter en cette période sensible afin de préserver la paix.
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