Burkina : les partisans de Compaoré déclarés inéligibles pour les scrutins d’octobre

Les députés du Conseil national de transition (CNT) ont adopté mardi soir un nouveau code électoral controversé qui interdit aux partisans du président déchu Blaise Compaoré de se présenter aux élections présidentielle et législatives d’octobre prochain.

L’ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, déchu en octobre 2014. © AFP

L’ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, déchu en octobre 2014. © AFP

Publié le 8 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

L’adoption d’un texte qui exclut les soutiens de "Blaise"

Sans surprise, les députés du Conseil national de transition (CNT), l’assemblée intérimaire burkinabè, ont adopté le nouveau code électoral. Ce texte, au centre de toutes les attentions depuis quelques jours, rend "inéligibles" les personnes ayant "soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance démocratique" et exclut les partisans de l’ex-président Blaise Compaoré des élections présidentielle et législatives prévues le 11 octobre prochain.

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L’adoption du projet de loi modifiant le code électoral s’est faite dans l’euphorie générale. Des cris de joie ont ponctué le résultat du vote à main levée : 75 voix pour, 10 contre et 3 abstentions. "L’histoire est en marche !, s’est réjoui Chérif Sy, le président du CNT. Notre peuple continue à s’exprimer pour conduire notre pays vers la renaissance démocratique". De son côté, Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen, un collectif qui a agi comme fer de lance dans le renversement de "Blaise", a estimé que la tentative de modification de la Constitution était "un crime politique" et il fallait "y apporter une sanction politique".

Le groupe parlementaire représentant les forces de sécurité burkinabè, composé de 25 députés, avait appelé à soutenir le texte, signe d’un aval tacite de l’exécutif et du Premier ministre Isaac Zida, par ailleurs ministre de la Défense.

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Plusieurs proches de l’ex-président arrêtés, dont trois anciens ministres

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Dans les heures qui ont précédé le vote de cette loi controversée, huit proches ou cadres de l’ancien régime ont été interpellés par les forces de sécurité. Parmi eux figurent trois ministres du dernier gouvernement de l’ère Compaoré : Jérôme Bougouma (Administration territoriale et de la sécurité), Salif Kaboré (Mines et de l’énergie) et Jean-Bertin Ouédraogo (Infrastructures et du désenclavement), tous suspectés de "malversations présumées". Adama Zongo, leader de la Fedap-BC, une association de soutien à Blaise Compaoré, et Salia Sanou, ancien maire de Bobo-Dioulasso, font aussi partie des personnes arrêtées.

Rasmané Ouédraogo, soutien actif de Djibrill Bassolé, l’ex-chef de la diplomatie de Compaoré, candidat vraisemblable et postulant sérieux à la présidentielle d’octobre, a lui été arrêté pour "activités politiques illégales" et "incitation à des troubles à l’ordre public".

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Le CDP opposé mais impuissant

L’ancienne majorité présidentielle, très minoritaire au CNT avec seulement 10 sièges, n’avait aucune chance d’inverser la tendance. Le Congrès pour le progrès et la démocratie (CDP), le parti de Blaise Compaoré, avait prévenu qu’il s’opposerait "vigoureusement", seul ou avec les "forces politiques et sociales alliées", au vote.

Une centaine de manifestants pro-Compaoré ont manifesté mardi après-midi à environ 800 mètres du CNT. Tenus en respect par les forces de sécurité, ils ont rapidement été dispersés. Des échauffourées ont brièvement opposé dans la matinée quelques poignées de manifestants, massés à un rond-point de Ouagadougou, à la police. Lundi, le ministre de la Sécurité (Intérieur) Auguste Denise Barry avait "mis en garde" les "instigateurs de troubles", menaçant d’interpellation toute personne "coupable de troubles à l’ordre public, d’atteinte à la sécurité des personnes et d’atteinte à la sûreté de l’État".

Un vote et des interrogations

L’adoption de ce nouveau code électoral suscite encore des interrogations. Plusieurs observateurs déplorent ainsi les préoccupations électoralistes qui auraient motivé le choix des députés de l’ex-opposition et de la société civile qui ont porté la réforme. "Ils se sont rendu compte que les rapports de force avec l’ancienne majorité étaient en train de s’équilibrer. Ils ont pris leurs précautions", estime le juriste Siaka Coulibaly, qui regrette le vote d’une "loi d’exclusion", "maladroite", qui "aura bien du mal à passer au niveau international".

Ce texte, qui exclut les partisans de Blaise Compaoré, est en effet contraire aux volontés de scrutins "inclusifs" exigés par la communauté internationale. Il pourrait notamment paralyser les financements des élections par les partenaires étrangers du Burkina Faso, ce qui fragiliserait évidemment leur tenue.

Enfin, cette loi doit encore être validée par le Conseil constitutionnel puis promulgué par le président Michel Kafando avant d’entrer en vigueur. "Comme nous sommes dans un État de droit, le Conseil constitutionnel dira le droit", espèrait Boubacar Bouda, député du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti présidentiel, dénonçant implicitement l’illégalité du nouveau code électoral.

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(Avec AFP)

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