Faut-il avoir peur du retour de la grippe aviaire en Afrique de l’Ouest ?
L’Afrique de l’Ouest est sur un pied d’alerte depuis que le Burkina Faso a déclaré début avril une épidémie de grippe aviaire sur son territoire. Le virus H5N1, hautement pathogène, pourrait bien traverser les frontières, préviennent les experts.
Moins d’une semaine après le début de l’épidémie de grippe aviaire au Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire et le Mali ont fermé leurs frontières à l’importation du "poulet bicyclette" burkinabè. Déjà dans ce pays, 115 000 volailles sont mortes ou ont été abattues afin d’éviter la propagation du virus H5N1. Au Nigeria, des centaines de milliers de poulets ont aussi été tués fin janvier à Lagos et Port Harcourt.
>> Lire : Santé : début d’une épidémie de grippe aviaire au Burkina Faso
Pour l’instant, aucun décès humain lié au virus H5N1 de la grippe aviaire n’a été rapporté aux autorités en 2015. Cependant, le Burkina Faso anticipe de graves conséquences économiques liées aux exportations de la volaille.
Qu’est-ce que la grippe aviaire ?
La grippe aviaire est une maladie infectieuse d’origine virale affectant les oiseaux. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la plupart des virus aviaires n’infectent pas l’homme… Sauf pour le virus H5N1, présent actuellement au Burkina Faso et au Nigeria. Cette souche peut causer de graves infections, parfois même mortelles, chez les humains. Le virus peut se transmettre par l’exposition directe ou indirecte à des volailles infectées, mortes ou vivantes. La souche H5N1 a tué plus de 400 personnes dans le monde depuis son apparition en 2003.
Forte fièvre de plus de 38 degrés Celcius, toux, maux de gorge… de nombreux syptômes s’apparentent à ceux de la grippe saisonnière. Chez certains patients, on observe aussi des diarrhées, vomissements, douleurs abdominales ou thoraciques, et des saignements du nez et des gencives. Les symptômes liés à une infection au virus H5N1 peuvent être très violents.
Quels risques pour les consommateurs de volailles ?
Pour l’instant, le gouvernement du Burkina Faso n’a pas interdit la consommation de volaille, invitant la population à bien cuire la viande. D’ailleurs, "il n’existe aucune donnée tendant à prouver que la maladie puisse être transmise à l’homme par des aliments convenablement cuits", explique l’OMS. Toutefois, toutes les activités de préparation du poulet, soit l’abattage, le plumage et la manipulation des carcasses de volailles infectées, sont des facteurs de risque importants.
Faut-il craindre une propagation en Afrique de l’Ouest ?
Oui, répond sans hésitation Modou Moustafa Lo, virologiste à l’Institut sénégalais de la recherche agricole. Le spécialiste de la grippe aviaire croit que "la maladie est transfrontalière", c’est-à-dire qu’elle "est capable d’envahir plusieurs zones géographiques". Selon lui, tous les pays voisins sont à risque en raison des activités d’importation, de transport et des marchés transfrontaliers. Jusqu’à maintenant, seuls la Côte-d’Ivoire et le Mali ont décidé d’interdire l’importation de volailles en provenance du Burkina Faso. Mais il suffit d’un vol d’oiseau contaminé au-dessus des frontières…
Toutefois, Modou Moustafa Lo croit que de nombreux pays ont tiré des leçons de la première crise de grippe aviaire en Afrique de l’Ouest en 2006. Le Nigeria, le Bénin, le Burkina Faso et le Niger avaient été durement touchés. Depuis, les techniciens des services vétérinaires de ces pays "ont été formés pour mieux détecter la maladie", explique-t-il. Bien que les risques soient réduits, "l’extrême prudence" est de mise.
La grippe aviaire : une menace pour l’économie
Au Burkina Faso, l’élevage représente la principale source d’épargne en milieu rural, constitue le troisième secteur pourvoyeur de devises après l’or et le coton et représente plus de 15% des recettes d’exportations du pays. Ailleurs en Afrique de l’Ouest, les producteurs de poulets sont nombreux. Une épidémie de grippe aviaire dans cette région représente une "réelle menace pour l’économie et pour la sécurité alimentaire de centaines de milliers d’Africains", analyse Eran Raizman, chef du Système de prévention des crises de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le simple jeu de l’offre et de la demande risque de faire grimper les prix de la volaille dans les pays touchés par la grippe aviaire et dans les pays qui ferment leurs frontières à l’importation.
Des équipes du FAO ont été envoyées au Bénin et au Togo afin de mieux contrôler, entre autres, le transport illégal d’animaux entre les pays, la surveillance de la maladie et la détection du virus dans les laboratoires. "Tous les pays voisins doivent être en alerte", prévient Eran Raizman. "Les conséquences économiques sont plus dangereuses pour les populations que le virus lui-même", illustre-t-il.
Et ailleurs dans le monde?
Le Burkina Faso et le Nigeria ne sont pas les seuls pays touchés par le virus H5N1, comme le rapporte l’Organisation mondiale de la santé animale. Sur le continent africain, trois personnes sont mortes de la grippe aviaire depuis le début de l’année en Égypte (situation endémique), où elle avait causé dix décès en 2014, et des cas de grippe aviaire ont aussi été recensés en Libye.
Au Canada, huit fermes de la province de l’Ontario ont été mises en quarantaine mardi après l’éclosion d’un cas de grippe aviaire dans un élevage de dindons. Aux Pays-Bas, 30 000 poules ont été abattues par précaution à la mi-mars. En Suède, le virus H5N8 a été détecté sur les dépouilles de deux cygnes.
>> Sur la crise de grippe aviaire en 2006, lire aussi : Qui a encore peur des poulets ?
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