Cannabis : la réforme de la « loi 52 » en Tunisie, un « canular » selon le milieu associatif

L’annonce de la réforme de la « loi 52 » punissant la consommation de cannabis a suscité l’espoir d’une refonte totale du texte, considéré comme liberticide par de nombreux Tunisiens. Les bonnes intentions ont pourtant rapidement fait place à la déception.

Publié le 15 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

"Les sanctions d’un an de prison et de mille dinars d’amende ont été abolies". Ces mots, depuis longtemps attendus par une majorité de la société tunisienne, ont été prononcés par le ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aïssa le 4 mai 2015, dans une déclaration aux médias. Il faisait ainsi référence aux sanctions de la loi n°92-52, plus connue sous le nom de la "loi 52", relative à la consommation et au trafic de cannabis.

Le texte, promulgué le 18 mai 1992, est connu pour être l’un des plus répressifs de l’ancien régime de Ben Ali. L’article 4 condamne "tout consommateur ou détenteur à usage de consommation personnelle de plantes ou matières stupéfiantes" à des peines allant de un à cinq ans de prison, et à 1 000 à 3 000 dinars d’amende. La loi ne fait par ailleurs aucune distinction entre les récidivistes et les fumeurs qui touchent au cannabis pour la première fois, tout en ne prévoyant aucune circonstance atténuante. Pour de nombreux Tunisiens, il fait d’ailleurs figure de symbole de la répression policière au temps de "Zaba".

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La réforme proposée, approuvée en conseil des ministres, est pourtant jugée insuffisante pour les acteurs du milieu associatif, très présent dans le débat depuis la révolution de 2011. Pour Souheil Bayoudh, président de l’ONG  "Forza Tounes", qui milite depuis sa création en 2014 en faveur de la dépénalisation du cannabis pour les consommateurs, cette annonce est "un canular judiciaire", qui "relève plus d’une opération de communication que d’une vraie volonté politique". En cause, les suppressions des peines de prison et des amendes qui concerneront uniquement les fumeurs pris "la première fois".

Les fumeurs de zatla ("cannabis" en arabe tunisien) représentent aujourd’hui un tiers de la population carcérale.

Les sanctions restent donc les mêmes pour les fumeurs réguliers, et s’appliqueront toujours aux consommateurs. De plus, la mesure "renforce le caractère punitif de la loi", puisqu’elle permet au juge la liberté de décider des peines encourues, ce qui va les "inclure dans un système déjà gangréné par la corruption, souligne le militant tunisien.

Sensibilisation contre répression

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Les organisations militantes, telles que "Forza Tounes" ou le collectif "Al sajin 52" ( "le prisonnier 52") sont déçues par ce qu’ils considèrent comme un semblant de réforme, qui ne s’attaque pas aux causes réelles d’une consommation qui n’a fait qu’augmenter depuis 1992, les fumeurs de zatla ("cannabis" en arabe tunisien) représentant aujourd’hui un tiers de la population carcérale.

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Elles mettent en cause le manque accru de prévention, puisque, selon Souheil Bayoudh "aucune campagne de sensibilisation n’a été opérée contre la consommation du cannabis. C’est pour cela qu’il y a aujourd’hui en Tunisie 3 millions de fumeurs, dont 30 % de femmes". Des chiffres publiés le 1er mars 2015 dans un rapport de l’association.

Au Maroc et en Algérie, le consommateur est également puni de peines carcérales : un fumeur algérien écopera de deux mois à deux ans de prison, et au Maroc, la peine s’étendra de deux mois à un an d’incarcération. Néanmoins, les deux pays diffèrent de la répression tunisienne, en ce sens où les poursuites seront abandonnées si le consommateur accepte une cure de désintoxication : "Les poursuites pénales ne seront pas engagées si l’auteur de l’infraction consent, après examen médical effectué sur réquisition du procureur du Roi, à se soumettre pour la durée nécessaire à sa guérison, à une cure de désintoxication" stipule la législation marocaine.

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La loi algérienne s’engage, elle, à annuler l’incarcération des consommateurs "lorsqu’il est établi qu’ils se sont soumis à une cure de désintoxication ou à une surveillance médicale à compter de la date du délit commis".

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