Technologies : quand WhatsApp bouscule les codes de la communication politique en Afrique
Lancée depuis bientôt cinq ans, l’application de messagerie internet WhatsApp a conquis les smartphones de millions d’utilisateurs dans le monde. Très utilisé en Afrique, l’outil s’installe même au cœur des stratégies de communication des hommes politiques.
Le phénomène WhatsApp en Afrique
Si WhatsApp, acheté par Facebook en 2014, est un pur produit de la Silicon Valley, l’application s’est épanouie bien loin des collines californiennes, en plein cœur du continent africain. Moins chère, plus sécurisée, adaptée à des connexions internet faibles, elle a conquis l’Afrique, au point d’en bouleverser les codes, de la politique à la vie privée.
L’application de messagerie instantanée pour smartphones, qui tire son nom de l’expression "What’s up ?" ("Quoi de neuf ?"), revendique 800 millions d’utilisateurs dans le monde. Et quelque 10 milliards de messages y sont échangés chaque jour, soit autant que les vieux SMS… Le succès de la plateforme, qui permet d’envoyer un tchat à un seul ou à plusieurs interlocuteurs en même temps gagne évidemment l’Afrique.
Les raisons de ce succès ? Salomon Adjété Wilson, technophile togolais, a étudié de près la question : "WhatsApp a le mérite d’une utilisation très simplifiée. Elle est surtout facile d’accès aux débits internet mobile très faibles". Comme c’est le cas dans de nombreux pays du continent. Et, à condition d’avoir accès à un réseau téléphonique ou wifi, elle permet de bavarder gratuitement. Sans compter que l’application a lancé récemment un service d’appels gratuits et illimités qui pourrait concurrencer encore davantage les réseaux téléphoniques. Autre argument de poids de cette application, opportunément rachetée par l’entreprise Facebook en février 2014 : "La possibilité, depuis quelques mois, de l’installer sur son ordinateur de bureau et de suivre les discussions sans avoir à être scotché à son téléphone", poursuit le geek, devenu lui-même un inconditionnel.
Le succès de WhatsApp n’a pas échappé à la sphère politique. Des personnalités de tous bords n’hésitent plus à débattre en groupes sur l’appli sur des thématiques précises.
Capture d’écran groupe togolais "Discussions politiques".
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Interface "intime"
Très au fait des nouvelles technologies, le député congolais Albert Fabrice Puela (opposition) fait ainsi partie de quatre groupes fermés de discussions politiques. Il estime que l’interface est plus "intime" avec des "débats aux niveaux plus élevés" que sur Facebook, par exemple.
Au Togo, WhatsApp est entrée dans l’arène politique le 10 janvier 2015. Ce jour-là, le journaliste Yves Galley lance un débat autour de la question des réformes dans son pays. Et se rend bien vite compte de l’intérêt manifesté par ses confrères et les hommes politiques pour l’application. Le cercle composé de dix membres au départ en accueille bientôt une centaine. " Aujourd’hui, le plafond est atteint. Plus de quarante personnes attendent impatiemment leur intégration. Il a très vite fallu créer un conseil d’administration pour la gestion quotidienne", confie Yves Galley qui se désole que l’application ne puisse accueillir plus de membres.
Pour faire partie du club, il faudra toutefois montrer patte blanche. Les règles d’accès sont strictes : les nouveaux entrants doivent être acceptés à l’unanimité par les membres du groupe. Et pas question de déroger aux principes établis : des sanctions peuvent intervenir, allant jusqu’à l’exclusion lorsque les règles de courtoisie sont violées. C’est le cas au sein du groupe togolais.
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Nids de personnalités
Si l’entrée est soigneusement filtrée, c’est que les groupes de discussions politiques sur WhatsApp sont de véritables nids à hauts responsables. Même s’ils rechignent le plus souvent à se dévoiler. Et pour cause : les propos échangés recèlent des enjeux stratégiques. "Dans les groupes, ce sont des informations brutes qui circulent, ce qui peut être utile en l’absence d’agences de presses nationales efficaces", commente Salomon Wilson.
Parmi les poids lourds du réseau, des hommes politiques congolais de premier plan comme le député Martin Fayulu. Coordonnateur des forces acquises au changement (FAC) – une plateforme qui regroupe une vingtaine de partis politiques -, l’homme serait un membre actif, selon Albert Fabrice Puela. Josuah Osih, premier vice-président du SDF, principal parti d’opposition au Cameroun, a lui aussi adopté WhatsApp dans ses stratégies de communication.
Au Togo, l’ancien Premier ministre Gabriel Agbéyomé Kodjo et l’ex-candidat à la présidentielle Gerry Tamaa, tiennent le haut du pavé. Et un groupe restreint de VIP, réunissant le ministre de l’Administration territoriale, celui de la Sécurité, le directeur général de la police nationale, des avocats, universitaires et directeurs de société… s’est également formé.
L’usage de l’interface se développe de plus en plus chez les responsables politiques africains. Certains chefs d’État geek n’hésiteraient d’ailleurs plus à se fondre anonymement parmi les débatteurs pour avoir un retour sur la gouvernance de leur pays…
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Le phénomène WhatsApp en Afrique
Si WhatsApp, acheté par Facebook en 2014, est un pur produit de la Silicon Valley, l’application s’est épanouie bien loin des collines californiennes, en plein cœur du continent africain. Moins chère, plus sécurisée, adaptée à des connexions internet faibles, elle a conquis l’Afrique, au point d’en bouleverser les codes, de la politique à la vie privée.
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