Aqmi, la survie au quotidien

Comment les djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) se sont-ils adaptés pour survivre dans le Sahara ? De quels moyens bénéficient-ils ? De quelles complicités ? Quelle est leur structure et de quoi est fait leur quotidien ? Voici quelques éléments de réponse…

Les djihadistes d’Aqmi sont devenus des experts de la survie en zone sahélo-saharienne. © Reuters

Les djihadistes d’Aqmi sont devenus des experts de la survie en zone sahélo-saharienne. © Reuters

Publié le 10 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Ils foncent dans le désert, en petits groupes autonomes sur de puissants 4×4: les jihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sont devenus, au fil des ans, experts en survie dans le Sahara. Un film vidéo datant de 2007, tourné dans le Nord du Mali et que l’AFP a visionné à Nouakchott, montre leur équipage : des Toyota Land Cruiser pick-up 4,5 litres essence, capables de semer n’importe quelle patrouille et ses véhicules diesel.

À l’arrière, un chargement de roues de secours, bidons de 500 litres pour le carburant, jerrycans d’eau, nattes pour dormir, tentes, nourriture. Juchés dessus, quatre à six hommes avec des kalachnikovs ou des lance-roquettes. "Ils sont mieux armés et équipés que les soldats de la région", assure le journaliste mauritanien Isselmou Ould Moustapha, spécialiste du djihadisme. "Leurs chauffeurs sont expérimentés, souvent des gens du désert. Ils ont des GPS et des lunettes de vision nocturne pour rouler de nuit, hors-piste".

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Vue prise en octobre 1978 en Algérie, d’un coucher de soleil sur les dunes de l’Erg oriental (désert de sable) dans la région d’El Oued, à l’est du Sahara (AFP).

Sahara business

"Le jour, ils se cachent dans des grottes, sous des bâches ou des arbres. Vous pouvez faire voler tous les avions-espions et les satellites, vous ne verrez rien". Pour le ravitaillement, ils ont leurs propres réserves, leurs caches. Ou bien il achètent essence, bétail et eau aux nomades ou aux réseaux privés qui assurent la logistique des trafiquants de cigarettes, de marchandises, d’armes ou de migrants clandestins qui sillonnent le désert.

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Mohamed Fall ould Oumere, directeur de l’hebdomadaire La Tribune à Nouakchott, raconte à l’AFP : "Il y a des gens dont c’est la spécialité: enfouir du ravitaillement dans le désert, par exemple dans de fausses tombes ou de faux vestiges archéologiques. Ensuite, ils vous vendent les coordonnées GPS des dépôts. Et ils vendent à n’importe qui: contrebandiers ou terroristes, ils s’en foutent, c’est du business. Ils peuvent cacher des voitures entières…"

Avec les millions d’euros que leur ont rapporté les rançons des otages occidentaux libérés, "ils peuvent faire creuser des puits, et toute la région reconnaissante, les protègera", explique un expert occidental du renseignement. Chaque groupe jihadiste – la région du Sahel en compte quatre, appelés "katibas" – est organisé autour d’un chef, l’émir, désigné par le chef suprême d’Aqmi, Abdelmalek Droukdal, qui combat l’armée dans les maquis du nord de l’Algérie, explique Louis Caprioli, ex-directeur adjoint de la Direction française de la surveillance du territoire (DST), chargé du terrorisme (de 1998 à 2004). "Il y a aussi le mufti, dont le rôle est primordial car il édicte les fatwas que suivra le groupe", explique l’ancien sous-directeur chargé de la lutte anti-terroriste à la DST. "Et le conseil de la katiba, avec souvent un médecin, un chargé de la communication qui filme les attaques et un responsable de la logistique".

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"Belmoktar, c’est Robin des Bois"

"Ce sont des colonnes de trois, quatre ou six 4×4" ajoute-t-il. "Ils sont très souples: s’éclatent ou se regroupent en fonction des missions. Bougent sans cesse". Sur le film de 2007, on voit des membres d’Aqmi jouer à saute-mouton dans le sable, chahuter, se jeter à l’eau dans un oued en crue dans lequel deux Toyotas se sont embourbées, sous le regard amusé de Mokhtar Belmokhtar, émir légendaire de l’une des katibas. Plus tard, assis sur la crête d’une dune, on aperçoit Yahia Djouadi, l’émir du Sud, parler dans un téléphone satellitaire.

L’explorateur français Régis Belleville, qui sillonne la région en solitaire et en méharée depuis plus de dix ans, les a croisés, avant que ne deviennent systématiques les enlèvements d’Occidentaux. "Leur talent principal, leur garantie de survie, c’est d’avoir compris le désert. D’avoir noué les liens familiaux et d’amitié avec les tribus. Belmokhtar, pour beaucoup et surtout pour les jeunes, c’est Robin des Bois…"

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