Le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn inculpé d’agression sexuelle à New-York

Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, a été inculpé dimanche d’agression sexuelle et de tentative de viol, quelques heures après son arrestation à l’aéroport JFK de New York. Une affaire qui place l’institution dans un grand embarras. Et qui assombrit l’avenir politique d’une homme considéré comme le principal rival de Nicolas Sarkozy en France.

Dominique Strauss-Kahn le 15 avril 2011 à Washington. © Nicholas Kamm / AFP / Archives

Dominique Strauss-Kahn le 15 avril 2011 à Washington. © Nicholas Kamm / AFP / Archives

Publié le 15 mai 2011 Lecture : 5 minutes.

M. Strauss-Kahn "a été inculpé d’agression sexuelle, de séquestration de personne et de tentative de viol, sur la personne d’une jeune femme de 32 ans dans une chambre d’hôtel à New York", a précisé aux journalistes Ryan Sesa, porte-parole de la police à Harlem (nord de Manhattan).

Surnommé "DSK", le candidat socialiste préféré par les sondages pour la présidentielle française de 2012, âgé de 62 ans, est détenu depuis samedi après-midi après avoir été débarqué d’un vol Air France à destination de Paris quelques minutes avant son décollage. Le responsable français se trouvait toujours dans la nuit de samedi à dimanche dans le commissariat de Harlem, et devait être déféré au parquet dans la journée de dimanche.

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"Nous l’avons placé en garde à vue et remis à la police de New York" (NYPD), a déclaré à l’AFP sous couvert d’anonymat un responsable de l’Autorité des ports de New York et du New Jersey. "Nous l’avons fait à la demande du NYPD", a ajouté cette source.

Selon des sources policières, M. Strauss-Kahn aurait quitté précipitamment l’hôtel Sofitel où il était descendu, en abandonnant son téléphone portable et ses effets personnels. Une femme de ménage a raconté à la police avoir été agressée par le directeur du FMI alors qu’il sortait nu de la salle bain.

Plus tôt, le New York Post et le New York Times avaient annoncé l’arrestation de M. Strauss-Kahn, ancien ministre des Finances, l’une des principales personnalités politiques françaises et probable candidat à la primaire du Parti socialiste en vue de l’élection présidentielle française de 2012.

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Un porte-parole du FMI à Washington n’a fait aucun commentaire dans l’immédiat. Le consulat de France à New York s’est également refusé à tout commentaire. Contacté par l’AFP en début de soirée samedi, l’avocat de M. Strauss-Kahn à Washington, William Taylor, n’était pas au courant de l’affaire. Recontacté ultérieurement, il a indiqué qu’il n’avait jamais réussi à joindre son client.

Selon le New York Times, "il était 16h45 (18H45 GMT) quand des enquêteurs en civil de l’Autorité des ports de New York et du New Jersey ont soudainement embarqué à bord du vol Air France 23 (…) et emmené M. Strauss-Kahn en garde à vue", a déclaré John Kelly, porte-parole de l’Autorité. "Cela s’est passé 10 minutes avant le départ prévu du vol", selon le porte-parole cité par le journal.

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Les agents de l’Autorité agissaient sur la base d’une information de la police de New York qui enquêtait "sur une brutale agression d’une employée de l’hôtel Sofitel New York", situé au 45 West 44th Street, selon la même source.

M. Strauss-Kahn avait prévu une visite dimanche à Berlin et devait être reçu par la chancelière Angela Merkel. Il devait participer lundi à une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles, puis prononcer un discours mercredi au 12e Forum économique de Bruxelles, un événement organisé par la Commission européenne.

M. Strauss-Kahn a été nommé en septembre 2007 à la tête du FMI pour un mandat de cinq ans pour réformer en profondeur cette institution.

En 2008, le FMI avait commandé une enquête sur son directeur à la suite d’une relation extra-conjugale entre l’ancien ministre des Finances et une ex-responsable du département Afrique, Mme Piroska Nagy. L’enquête a établi qu’elle n’avait bénéficié d’aucun traitement de faveur, et qu’"il n’y a pas eu de harcèlement, ni de favoritisme ni aucun autre abus de pouvoir." Mais le FMI lui avait alors reproché une "grave erreur de jugement", dans une affaire qui avait fait la Une de la presse mondiale.

L’hôtel Sofitel le 15 mai 2011 à New York.

© Stephen Chernin / AFP

Motif de licenciement

Economiste reconnu, sa candidature à la présidentielle française en 2012 pour porter les couleurs socialistes est plébiscitée dans les sondages. Candidat à l’investiture socialiste en 2006, il fut largement devancé par Ségolène Royal, finalement battue par Nicolas Sarkozy, qui ensuite à soutenu sa candidature au FMI.

Les faits pour lesquels il est mis en cause sont potentiellement pour le FMI une raison de le démettre de ses fonctions. Mais samedi soir, aucun proche de M. Strauss-Kahn n’avait répondu aux questions de l’AFP pour savoir s’il niait ou reconnaissait les faits. Interrogés par l’AFP, un porte-parole du Fonds et l’avocat de M. Strauss-Kahn à Washington ont expliqué qu’ils n’avaient aucun élément sur ces faits.

Dans l’immédiat, le FMI n’est pas obligé de prendre une décision et peut fonctionner sans son patron, le temps d’en apprendre plus sur l’affaire. Le premier directeur général adjoint, l’Américain John Lipsky, peut prendre les commandes.

L’institution impose un code de conduite à ses fonctionnaires internationaux qui leur demande de respecter les lois, mais aussi de "suivre les normes les plus élevées de comportement éthique, conforme aux valeurs d’intégrité, d’impartialité et de discrétion". Or ce code de conduite prévoit le licenciement en cas de "violation grave".

Les extraits du contrat de travail de M. Strauss-Kahn publiés par le FMI lors de sa prise de fonctions en novembre 2007 prévoient, même s’il est démis par le conseil d’administration, une indemnité de départ qui serait aujourd’hui l’équivalent de 60% de son salaire annuel.

Le précédent Piroska Nagy

Le Fonds a déjà dû gérer une autre situation difficile avec M. Strauss-Kahn. Le directeur général avait eu une relation avec une subordonnée, une économiste hongroise, Piroska Nagy, à Davos (Suisse) en janvier 2008. Son mari l’avait découvert et en avait fait part à l’institution, qui avait confié une enquête à un cabinet d’avocats de Washington. L’enquête avait conclu que la relation était consentante et n’avait pas suscité de favoritisme.

En octobre 2008, le conseil d’administration du Fonds avait maintenu M. Strauss-Kahn dans ses fonctions, tout en lui reprochant "une grave erreur de jugement". L’annonce de la garde à vue de M. Strauss-Kahn survient alors que le FMI traverse actuellement une des phases les plus critiques de son histoire, avec la crise financière endurée par la zone euro.

Une mission du Fonds a commencé ses travaux mardi à Athènes pour examiner, avec les fonctionnaires de la Commission et de la banque centrale européennes, les conditions du versement de la cinquième tranche de l’aide accordée à la Grèce en mai 2010. Le prêt accordé à ce pays devrait être le plus grand jamais versé par l’institution, à 30 milliards d’euros.

Le FMI doit donner son feu vert prochainement à un prêt au Portugal, après les pays de la zone euro qui participent au plan de sauvetage. Leurs ministres des Finances doivent se retrouver lundi à Bruxelles, une réunion à laquelle M. Strauss-Kahn avait prévu de participer.

Enfin, le conseil d’administration du FMI a, selon son ordre du jour officiel, prévu d’examiner lundi le versement d’une deuxième et troisième tranches du prêt de 22,5 milliards d’euros accordé en décembre à l’Irlande. Mais il est très probable que cette réunion soit aussi consacrée au cas personnel du directeur général, personnage apprécié par la grande majorité de ses collaborateurs.

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