Côte d’Ivoire : difficile de sortir de la crise postélectorale

Violences meurtrières dans le Sud-Ouest, accusations de complot, réconciliation en suspens : le pays peine à solder la crise sanglante de 2010-2011, malgré les promesses de paix du président Alassane Ouattara.

Des casques bleus portent les cercueils de soldats tués dans le sud du pays en juin 2012. © AFP

Des casques bleus portent les cercueils de soldats tués dans le sud du pays en juin 2012. © AFP

Publié le 16 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

Sept Casques bleus, dix civils et un soldat ivoirien tués : l’attaque du 8 juin au sud de la petite ville de Taï (sud-ouest) a dramatiquement mis en lumière les violences récurrentes dans cette zone frontalière du Liberia, et la sécurité toujours fragile dans le pays plus d’un an après la fin d’une crise postélectorale aux quelque 3.000 morts.

Le pouvoir, qui ne cessait de proclamer le retour de la paix, a pointé du doigt des miliciens ivoiriens et mercenaires libériens opérant depuis le Liberia et fidèles à l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo. Mais il se veut rassurant : « ce n’est pas une rébellion », déclarait récemment à l’AFP le ministre ivoirien délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi.

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« Militairement ce n’est pas viable, le rapport de forces est écrasant » aux dépens de ces groupes armés encore mal identifiés, souligne un diplomate africain en poste à Abidjan.

Dans un rapport récent, l’ONG Human Rights Watch (HRW) accusait des forces pro-Gbagbo basées au Liberia et recourant à des enfants-soldats d’être derrière les attaques qui endeuillent la région depuis un an.

Liberia et Ghana sous pression

Mais le parti de l’ex-président, le Front populaire ivoirien (FPI), s’est inscrit en faux vendredi et a carrément crié à la guerre ethnique: il a accusé des « mercenaires burkinabè » d’être responsables de ces opérations visant à « exterminer » les paysans « autochtones » de cette région de cacao, dont le pays est premier producteur mondial.

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Il reste que, de l’avis général, la Côte d’Ivoire et surtout le Liberia ont longtemps négligé ce problème frontalier. Mais l’attaque du 8 juin, suivie d’autres assauts meurtriers, a conduit les deux pays, épaulés par les missions de l’ONU déployées sur leur territoire, à renforcer leurs effectifs et leur ratissage.

C’est dans ce contexte de psychose dans l’ouest que le gouvernement ivoirien a affirmé cette semaine avoir déjoué en mars un projet de putsch ourdi depuis un autre pays voisin, le Ghana, où nombre de caciques – civils et militaires – du régime déchu ont trouvé asile.

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Une vidéo qui montre des officiers proclamant leur prise du pouvoir, une autre où l’ex-ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi, arrêté la semaine dernière au Togo et extradé à Abidjan, fait un mea-culpa tremblant : si les rumeurs de complot se sont enchaînées durant une décennie de crise politico-militaire, le dossier brandi par le pouvoir a eu un fort impact.

Le projet de coup « est plus que plausible », « ça recoupe des bribes d’informations qu’on a eues çà et là ces six derniers mois », estime Rinaldo Depagne, expert à International Crisis Group (ICG).

De même que le Liberia, jugé longtemps passif face aux bandes armées à sa frontière, s’est senti obligé de réagir et a annoncé la prochaine extradition de 41 suspects libériens et ivoiriens vers la Côte d’Ivoire, le Ghana se retrouve désormais sous pression, lui qui renâcle à exécuter les mandats d’arrêt internationaux émis par Abidjan contre des exilés pro-Gbagbo.

Et la réconciliation?

Mais, explique un ministre ivoirien, de telles « révélations » servent surtout à « rassurer » les Ivoiriens et à « dire à ceux qui préparent » des coups « qu’on est suffisamment outillé pour savoir ce qu’il se passe ».

Le FPI, lui, a raillé un « coup d’Etat fictif » destiné à « charger à fond » M. Gbagbo avant l’audience de confirmation des charges pesant sur lui à la Cour pénale internationale (CPI), qui le détient à La Haye et le soupçonne de crimes contre l’humanité. L’audience est prévue désormais le 13 août.

Et la réconciliation dans tout ça? Chacun jure de sa bonne foi, un très timide « dialogue politique » s’est amorcé, mais rien n’avance, ou pas grand-chose.

« Il faut qu’on sorte de la polarisation, que les modérés aient leur mot à dire et qu’on n’assiste pas seulement à une bataille entre les durs des deux camps », avertit M. Depagne.

Or, le temps presse, insiste une source militaire occidentale: « la prochaine présidentielle est en 2015. Sera-t-elle acceptée par tous? On n’en prend pas le chemin ».

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