Kenya : au moins 39 morts dans de nouvelles violences tribales dans le sud-est
Trente-neuf personnes ont été tuées et des dizaines très grièvement blessées vendredi à l’aube dans l’attaque d’un village de la région de la rivière Tana, dans le sud-est du Kenya, où des tueries tribales avaient déjà fait plus de 100 morts en août et septembre.
"Je peux confirmer que 39 personnes ont été tuées ce (vendredi) matin, au cours d’affrontements tribaux entre Orma et Pokomo", deux communautés traditionnellement rivales, installées le long de la rivière Tana, une région rurale et isolée, a déclaré à la presse le chef de la police dans la province de la Côte, Aggrey Adoli. "Sur ces 39, treize sont des enfants, six des femmes et onze des hommes tous de la communauté orma. Les neuf autres sont des miliciens pokomo", a-t-il ajouté.
Entre mi-août et mi-septembre, plus de 100 personnes avaient été tuées au cours d’un cycle de violences aux contours flous, succession d’attaques de villages et d’opérations de représailles entre Orma – essentiellement des éleveurs – et Pokomo – majoritairement des agriculteurs. Selon Antony Kamitu, chef des GSU (forces spéciales de la police) dans la zone, où elles sont déployées depuis mi-septembre, le village de Kipao a été attaqué vendredi vers 03H00 du matin (00H00 GMT).
Kipao, village orma selon un policier sur le terrain, est situé dans la zone reculée de Tarassa, à environ 400 km au sud-est de Nairobi. Une zone où, mi-août, au moins 52 villageois orma avaient été tués à coups de machettes ou brûlés vifs par des Pokomo qui avaient attaqué plusieurs hameaux.
Rivalités ancestrales et approche des élections
Les responsables de la police n’ont pas expliqué dans l’immédiat ce qui a déclenché l’attaque de vendredi. Si le climat restait explosif dans la région, le calme était revenu depuis la mi-septembre avec le déploiement d’un millier d’hommes des GSU, qui seul avait permis de rétablir l’ordre alors que la police locale était débordée et incapable de mettre fin aux violences.
Selon un policier présent sur le terrain, les tensions entre les communautés orma et pokomo avaient ressurgi ces derniers jours sur fond d’opération de désarmement consécutive aux tueries de l’été. "Il y a eu des tensions ces deux derniers jours, à propos d’un ordre fait aux communautés de rendre leurs armes, certains avaient le sentiment que le gouvernement était plus tolérant d’un côté" que de l’autre, a expliqué ce policier à l’AFP.
Les rivalités sont ancestrales et parfois sanglantes autour des pâturages ou des points d’eau entre Orma et Pokomo. Mais les observateurs et les habitants de la région estiment que les violences de l’été, inédites par leur ampleur et leur intensité, n’avaient rien à voir avec les anciens différends. Des témoins avaient fait état d’attaques de villages méthodiquement organisées, menés par des miliciens entraînés, pour certains étrangers à la région et visant femmes et enfants.
Les raisons exactes des violences de l’été restent peu claires, mais pourraient s’expliquer, selon certains observateurs, par l’approche des élections générales de 2013, le redécoupage électoral et la démographie ayant modifié les rapports de force politico-ethniques dans la zone.
Le 4 mars, outre un successeur au chef de l’Etat Mwai Kibaki – qui ne se représente pas – et de nouveaux députés, les Kényans éliront pour la première fois des sénateurs, des gouverneurs et certains responsables locaux. Un vice-ministre kényan, député de la région, avait été inculpé en septembre d’incitation à ces violences et limogé. Selon la Croix-Rouge kényane, plus de 30 personnes ont été très grièvement blessées dans l’attaque de vendredi et plus de 45 maisons ont été incendiées.
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