Dans l’extrême nord du Cameroun, Boko Haram crée la « psychose »
Habitants traumatisés, parc animalier déserté: depuis que Boko Haram y a enlevé dix Chinois à la mi-mai, Waza, petite ville autrefois touristique de l’extrême nord du Cameroun, vit dans la psychose de nouvelles attaques du groupe islamiste armé nigérian.
Dans la nuit du 16 au 17 mai, des membres présumés de Boko Haram – mouvement qui ravage le nord du Nigeria voisin depuis 2009 – ont attaqué un campement d’ouvriers chinois à Waza, avant de tuer un militaire camerounais et d’enlever dix Chinois. Boko Haram "a créé une psychose générale" dans la ville, explique M. Tandjo, secrétaire général de Waza, ville située à quelques kilomètres de la frontière nigériane, qui abrite l’une des réserves de faune les plus célèbres du Cameroun.
A l’entrée du camp des ouvriers chinois, un militaire du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité d’élite de l’armée camerounaise, quitte subitement sa position pour se rapprocher d’une moto qui vient d’entrer dans le périmètre. "Reculez!", lance-t-il au conducteur de moto, main sur la gâchette. "Vous devez quitter les lieux. Nous sommes en situation de guerre. Aucune prise de vue n’est tolérée", ordonne à un journaliste de l’AFP un autre soldat du BIR.
Non loin de là, deux militaires font des allées et venues à pied devant les bâtiments du site de construction, où sont garés des engins de chantier depuis le départ précipité des Chinois de la ville.
"La peur est là"
La riposte de l’armée camerounaise à cette attaque a coûté la vie à 22 assaillants nigérians, dont les corps ont été enlevés et enterrés au Nigeria par leurs complices, assurent les autorités locales. Quinze jours après l’attaque du camp, "les populations sont traumatisées", affirme M. Tandjo. "Elles entendaient parler de Boko Haram, mais elles n’avaient pas encore été témoins d’une de leurs attaques".
La plupart des fonctionnaires ont déplacé leurs familles vers des localités plus sûres. Lors de l’assaut, "un conseiller a été victime d’une attaque cardiaque juste parce qu’une balle a traversé sa cour. Il en est mort", raconte M. Tandjo. "La peur est là. Nous avons peur que ça se reproduise", confirme un jeune homme.
"La nuit de l’attaque, la ville était secouée par les détonations des armes", raconte ce Camerounais de 20 ans. Il est l’un des rares à bien vouloir aborder un sujet que tout le monde semble vouloir éviter en ville. Assis sur un tronc d’arbre, le jeune homme, qui travaillait comme ouvrier sur le chantier des Chinois, a perdu son travail depuis leur départ, et s’ennuie ferme.
"Dès 19H00 (18H00 GMT), les gens rentrent chez eux pour ne plus en sortir", souligne M. Tandjo. La circulation des motos – moyen de transport privilégié des hommes de Boko Haram – est interdite la nuit dans tout l’extrême nord du Cameroun.
Tourisme au point mort
La petite ville de Waza, autrefois animée par les touristes occidentaux – principalement des expatriés de Yaoundé – qui venaient visiter le parc animalier, ses éléphants et ses girafes, a aujourd’hui des airs de ville morte. Au campement touristique de la ville, les chambres sont désespérément vides et les murs tombent peu à peu en ruine.
Quasiment plus aucun touriste étranger ne s’y aventure depuis des mois, à cause des rapts d’Occidentaux dans l’Extrême-nord, explique André Ndjidda, conservateur du parc de Waza. Les ennuis ont démarré en 2013 dans cette région jusque-là réputée tranquille, lorsque Boko Haram a revendiqué les enlèvements du prêtre français Georges Vandenbeusch et de la famille Moulin-Fournier, relâchés par la suite.
Avec ces rapts, "le sort du parc était déjà scellé. L’enlèvement des Chinois vient sceller le sort de la ville", résume M. Ndjidda. Le Cameroun a envoyé des renforts militaires dans la région pour tenter de repousser la menace Boko Haram. Près de 1.000 soldats sont attendus à Waza ces prochains jours, et devront notamment surveiller la zone frontalière, selon des sources sécuritaires.
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