L’affaire d’une adolescente meurtrière mariée de force divise le Nigeria

Beaucoup considèrent Wasila Tasi’u comme une victime: une adolescente de 14 ans, issue d’une famille pauvre de musulmans rigoristes qui a assassiné avec de la mort-aux-rats son mari, un homme de 35 ans qu’elle avait été contrainte d’épouser.

Sani Garba, 55 ans, montre la photo de sa belle-fille Wasila Tasi’u le 10 août 2014. © Aminu Abubakar/AFP

Sani Garba, 55 ans, montre la photo de sa belle-fille Wasila Tasi’u le 10 août 2014. © Aminu Abubakar/AFP

Publié le 15 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Mais les témoins de l’affaire, y compris le père de la jeune fille, l’ont décrite comme une future mariée alors consentante et en âge de fréquenter Umar Sani et exprimer clairement son désir de l’épouser.

Son procès, qui doit s’ouvrir dans les prochaines semaines, révèle les fractures religieuses et culturelles du Nigeria, où l’influence de la loi islamique, la charia, s’exerce dans le Nord, majoritairement musulman, à la différence du Sud, principalement chrétien.

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"Pour nous ce n’est pas une enfant. Marier une fille de 14 ans, c’est la norme", a déclaré Sani Garba, le père du mari assassiné. "Nous ne pouvons pas lui pardonner".

Selon la police, Wasila Tasi’u a avoué avoir mis du poison dans le repas qu’elle avait préparé pour une fête organisée début avril dans le village d’Unguwar Yansoro, à une soixantaine de kilomètres de Kano, plus grande ville du Nord, pour célébrer son mariage deux semaines auparavant.

"Elle l’a fait parce qu’elle a été forcée par ses parents à épouser un homme qu’elle n’aimait pas", avait déclaré début août le porte-parole de la police de l’Etat de Kano, Musa Magaji Majia.

La jeune fille est accusée du meurtre de son mari mais aussi de celui de trois autres personnes qui ont consommé la nourriture empoisonnée.

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Selon son avocate, Hussaina Aliyu, les aveux de Wasila Tasi’u ne sont pas recevables en justice car la mineure a été interrogée sans la présence d’un parent ou d’un avocat.

Le procès, qui devait débuter le 4 août, a été reporté sine die en raison d’un retard provoqué par une grève du personnel judiciaire.

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"Pas un mariage forcé"

Selon la législation fédérale sur le mariage, qui s’applique dans tout le pays, une jeune femme de moins de 21 ans ne peut se marier qu’avec le consentement de ses parents.

Pourtant les mariages de très jeunes filles sont très répandus dans le Nord, en particulier dans les zones rurales pauvres, alors qu’ils restent rares dans le Sud.

Pour Tasui Mohammed, le père de l’accusée, le fait de marier sa fille à 14 ans n’avait rien d’anormal, Wasila étant la septième de la famille à se marier à cet âge.

"Ma fille n’a jamais été forcée. Elle a choisi Umar parmi trois prétendants", a -t-il affirmé, expliquant que Wasila a commencé à sortir avec Umar Sani dès ses 13 ans.

Le soupirant avait toutefois dû patienter jusqu’aux 14 ans de l’adolescente pour pouvoir l’épouser, afin de respecter la tradition familiale.

Selon les coutumes de l’ethnie haoussa, prédominante dans la région, la jeune fille envoie un messager, généralement un ami proche, pour transmettre le nom de l’élu de son choix à son père.

M. Mohammed a précisé que sa fille l’avait informé officiellement de son choix par l’intermédiaire d’un ami.

"Elle m’avait promis que c’était bien son choix", se souvient-il lorsqu’il lui avait demandé si elle était sûre de sa décision.

"Je ne sais pas pourquoi elle a fait ça", dit-il.

"Victime d’un crime ?"

Dans le Nord comme dans le Sud, la "connaissance charnelle" d’un mineur est interdite par la loi.

Mais le système est hybride dans le Nord où la charia est aussi en vigueur depuis 2000. Les autorités locales doivent trouver un équilibre entre le code pénal et la loi islamique qui, selon certaines interprétations, autoriserait les relations sexuelles avec des mineures.

Des défenseurs des droits de l’homme, en particulier du Sud, ont appelé au retrait des charges pesant sur Wasila qu’ils considèrent comme une victime, certains suggérant qu’elle a pu être violée par son conjoint.

Un ami du défunt estime au contraire que l’adolescente doit être punie sévèrement pour éviter des émules.

"Quatre autres femmes ont essayé d’empoisonner leurs maris", assure Husseini Yansoro (des allégations non confirmées de source indépendante), affirmant qu’"elles ont été encouragées par le soutien juridique dont bénéficie Wasila et les rumeurs de prochaine libération".

L’oncle de l’accusée considère que ceux se mobilisent aujourd’hui ne connaissent rien à la vie dans cette zone pauvre du Nigeria.

"Nos filles ne vont pas dans des écoles modernes parce que nous n’en avons pas, pas même une école primaire", explique-t-il. "Une fois qu’elles atteignent 14 ans, on les marie… Pourquoi les garderait-on à la maison ?"

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