Côte d’Ivoire : après Gbagbo, Soro et les comzones à la CPI ?
Mauvaise nouvelle pour les acteurs de l’ex-rébellion ivoirienne : les investigations de la Cour pénale internationale (CPI) vont être étendues aux crimes commis depuis le 19 septembre 2002.
Pour la défense de Laurent Gbagbo, c’est une victoire. Les investigations de la Cour pénale internationale (CPI) en Côte d’Ivoire vont être étendues aux crimes commis depuis le 19 septembre 2002, date de la tentative de renversement de l’ancien président ivoirien. « Nous avons obligé le procureur Luis Moreno-Ocampo à changer la nature de son enquête, se réjouit Me Emmanuel Altit, l’avocat de Gbagbo. Initialement, il considérait que le refus allégué de mon client de reconnaître sa défaite électorale était l’élément déclencheur des crimes commis entre novembre 2010 et avril 2011. Les juges lui ont demandé de revenir aux sources de la crise ivoirienne, comme nous l’avions demandé dans un mémorandum envoyé en octobre 2011. »
Ce complément d’enquête demandé par la CPI ne dédouane pas, loin de là, le camp Gbagbo. La liste des présumés crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les milices de l’ancien régime, dont plusieurs exemples sont mentionnés dans la décision des juges du 22 février, est assez longue : exécution de 120 personnes à Monoko-Zohi en novembre 2002, de 60 civils à Bangolo en mars 2003, de 105 autres à Abidjan en mars 2004. Les juges évoquent en outre l’incitation à la haine par les médias d’État, l’existence d’escadrons de la mort et la planification d’actions au plus haut niveau.
Mais ils souhaitent aussi que le procureur se penche sur les crimes du camp de Guillaume Soro, l’actuel Premier ministre, qui dirigeait à l’époque les Forces nouvelles (FN) et les commandants de zone (comzones) de l’ex-rébellion. Les juges dénoncent notamment l’exécution de 131 personnes, dont 61 gendarmes, à Bouaké, en octobre 2002. Dans les prochains mois, les équipes du procureur se rendront sur le terrain.
Nouveau revers pour Ouattara
Pour le camp Gbagbo, ces investigations devraient permettre de faire la lumière sur l’origine de la rébellion, son soutien financier et les puissances étrangères qui l’auraient armée. Elles devraient aussi être l’occasion de rouvrir le dossier des événements de novembre 2004, quand l’armée française avait détruit la flotte aérienne ivoirienne (en représailles au bombardement du camp militaire français de Bouaké) et ouvert le feu sur les Jeunes patriotes (pro-Gbagbo) à Abidjan.
C’est donc un nouveau revers pour le camp Ouattara, déjà critiqué par les ONG et la société civile au sujet de la Commission nationale d’enquête sur les violences postélectorales, mise en place en juillet 2011. Le 23 février, Human Rights Watch s’interrogeait sur le caractère partisan de ses membres et dénonçait un travail « effectué de manière expéditive ». Les investigations n’ont commencé qu’à la mi-janvier, et le rapport serait déjà en cours de rédaction. La décision de la CPI « n’est pas une bonne nouvelle », reconnaît un proche du pouvoir. Quand Ouattara a saisi la justice internationale durant le conflit postélectoral, s’attendait-il à cela ?
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