Niger : l’économie sur la bonne voie
Pétrole, mines, banques, télécoms… L’économie du Niger repart un an après l’élection de Mahamadou Issoufou. Mais si les réformes s’enchaînent, les défis restent immenses.
Élu le 12 mars 2011 sur les cendres d’un coup d’État – contre Mamadou Tandja – et à la suite d’une transition de un an menée par Salou Djibo, Mahamadou Issoufou est-il à la hauteur des espoirs des 15,8 millions de Nigériens ? La partie s’annonce difficile…
Le pays, classé 186e sur 187 selon l’indice de développement humain du Pnud, a de nombreux atouts, mais aussi d’importants handicaps. Enclavé, bordé par sept pays, riche en ressources naturelles, le Niger est soumis à des facteurs exogènes tels que la forte dépendance aux pluies et l’insécurité de la zone sahélienne, qui occupe une grande partie de son territoire.
Le FMI prévoit un triplement des exportations pétrolières et minières entre 2011 et 2016.
À peine installé, Issoufou a dû affronter les effets de la crise libyenne et le retour de dizaines de milliers de travailleurs nigériens, alors que le pays sortait tout juste d’une très grave crise alimentaire (en 2010) qui lui aurait coûté 70 millions de dollars (53,6 millions d’euros), auxquels se sont ajoutés 80 millions de dollars d’aides extérieures. Une croissance en dents de scie absorbée par une démographie galopante (qui s’élève de 3,3 % par an en moyenne) achève un tableau apparemment pessimiste. Pourtant, les perspectives économiques du Niger sont plutôt favorables.
Avec une augmentation exceptionnelle du PIB de 14,1 % prévue en 2012 (après un petit 3,8 % en 2011), Niamey récolte déjà le fruit des investissements dans les secteurs pétrolier et minier. En décembre dernier, le champ d’Agadem, dans l’est du pays, fournissait ses premiers barils d’or noir, tandis que la raffinerie de Zinder délivrait, elle, ses premiers litres d’essence – tous deux sont développés par des Chinois.
Boom
Dès cette année, le Niger sera un exportateur net de pétrole brut et le gouvernement est approché par d’autres pétroliers pour développer de nouveaux champs. Côté mines, le sixième producteur mondial d’uranium ambitionne de passer deuxième à l’horizon 2016 grâce aux mines d’Imouraren et d’Azelik. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit ainsi le triplement des exportations pétrolières et minières entre 2011 et 2016. De ce fait, les recettes de l’État devraient doubler – de 445 milliards à 958,6 milliards de F CFA (de 678,4 millions à 1,46 milliard d’euros), selon le FMI.
Tous les secteurs économiques bénéficient de ce boom, et en premier lieu l’agriculture, vitale pour les ruraux (80 % des Nigériens). L’une des promesses électorales du président : « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », ou initiative 3N, peut compter sur un budget dévolu au secteur rural gonflé à 100,3 milliards de F CFA en 2012, contre 21,8 milliards en 2011. Le manioc, le riz, le sorgho, le mil, le niébé et surtout l’élevage sont également soutenus par plusieurs réformes : crédits, microfinance, loi-cadre pour inciter les partenariats public-privé…
Pour les banques, le constat est le même. Le pays pourrait en accueillir une onzième prochainement, selon Mahaman Saïd Nour Kaoura, vice-président de l’Association des professionnels des banques et établissements financiers (APBEF) : « Depuis un an, le dynamisme est là. Le nombre de guichets est passé de 78 à 84. » Pour lui, l’exemple de la ville de Zinder est symptomatique. Lorsqu’elle a accueilli une raffinerie chinoise, toutes les banques ou presque y ont ouvert une agence. « Le pétrole, les mines, mais aussi le transport, sont les moteurs principaux, ajoute-t-il. Sans oublier les télécoms. »
Des Chinois omniprésents
Les entrepreneurs chinois sont partout. Dans l’uranium avec la mine d’Azelik, exploitée par la China National Nuclear Corporation (CNNC), dans le pétrole à travers le champ d’Agadem, démarré fin 2011 par la China National Petroleum Company (CNPC), dans les télécoms avec ZTE (consortium sino-libyen Data Port, propriétaire de Sonitel) et, bientôt, dans l’agrobusiness. Sinolight a en effet annoncé en mars son intention de construire une sucrerie d’une capacité ?de 100 000 tonnes par an, soit 50 % de la production actuelle du Niger.
Un secteur lui aussi en pleine mutation. Avec une croissance moyenne de 50 % par an, les quatre opérateurs (Sonitel, Orange, Moov, Sentel) ont atteint un chiffre d’affaires global de 107,9 milliards de F CFA en 2010 (résultats 2011 attendus).
Le président Issoufou s’attelle d’ailleurs au chantier de la nationalisation (avant reprivatisation) de Sonitel – détenu par un consortium sino-libyen. Lancé en 2008, il n’a toujours pas abouti ; et l’absence d’interlocuteur libyen depuis la révolution n’arrange rien. L’Autorité de régulation multisectorielle vient quant à elle de clore l’appel d’offres pour deux licences 3G : le gouvernement doit bientôt statuer avant d’ouvrir un autre dossier épineux, celui du contrôle des revenus des opérateurs, leurs déclarations étant aujourd’hui les seules sources disponibles.
Malgré ce dynamisme économique, le pays doit encore améliorer un climat des affaires assez délétère : il a perdu un point dans le rapport « Doing Business » 2012, passant à la 173e place sur 183. Conscient de l’enjeu, l’État s’est engagé à lutter contre la corruption et lance une réforme de la fiscalité ainsi que du système de gestion financière. Et espère, au final, attirer de nouveaux investisseurs étrangers.
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