Café – Cacao : le Cameroun fait monter la fève

Pour oublier les années sombres, les autorités camerounaises explorent plusieurs pistes : augmenter la production de cacao, se positionner dans le café haut de gamme et miser sur la transformation locales. Un pari ambitieux.

Nyonkopa se fournit auprès de 10 000 producteurs de cacao au Ghana. © AFP

Nyonkopa se fournit auprès de 10 000 producteurs de cacao au Ghana. © AFP

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Publié le 28 mars 2012 Lecture : 3 minutes.

Le Cameroun est en quête d’un nouveau souffle pour sa filière cacao-café. Stratégique pour l’économie du pays, l’activité représente 30 % des exportations non pétrolières et fait vivre plus de 2 millions de planteurs. Gérée à vau-l’eau pendant des décennies, la filière reprend peu à peu des couleurs après la décision des autorités d’y investir 11 millions de dollars (8,4 millions d’euros) entre 2010 et 2015. Déjà, le chiffre d’affaires a grimpé à 280 milliards de F CFA (427 millions d’euros) en 2011, contre 249 milliards en 2010.

Grands projets

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Comment relancer la filière ? En augmentant de manière continue la production de fèves de cacao, tout en se positionnant sur le haut de gamme dans le café pour prendre des parts de marché. À la manoeuvre, Michael Ndoping, un anglophone de 60 ans, directeur général de l’Office national du cacao et du café (ONCC) depuis 2006. Objectif fixé par le gouvernement : faire mieux que les 230 000 tonnes de production cacaoyère en 2011, pour atteindre 300 000 t en 2015.

Une stratégie qui s’appuie sur le Fonds de développement des filières cacao et café (Fodecc), financé par une redevance sur les exportations de ces deux produits. Ce fonds a permis la mise en place de six grands projets, portant notamment sur la qualité des semences pour la production de matières végétales améliorées, plus résistantes et à haut rendement, aussi bien pour le cacao que pour le café. « Avec le Fodecc, nous avons mis sur pied une politique de subvention du traitement des vergers existants. Celle-ci se traduit par une aide accordée aux producteurs pour l’acquisition d’engrais et de pesticides », explique Michael Ndoping.

Après s’être désengagé de la filière en 1991, l’État doit y investir 11 millions de dollars en cinq ans.

La hausse du cours du cacao ces dernières années a aussi contribué à dynamiser la filière. Le prix moyen d’achat du kilo de cacao au planteur est ainsi passé de 400 F CFA en 2004 à plus de 1 200 F CFA en 2011. Et certaines organisations paysannes sont même parvenues à vendre leur production à plus de 1 500 F CFA le kilo.

De quoi faire oublier les années sombres. Après le désengagement de l’État en 1991, consécutif à la chute des cours des matières premières à la fin des années 1980, les plantations ont été délaissées. Survenue en 1994, la dévaluation du franc CFA a fait exploser les prix des intrants agricoles, les portant à un niveau insupportable pour les agriculteurs.

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Désamour

Cet abandon a encore plus fortement affecté la filière café. En un peu plus de vingt ans, le pays est passé du 12e au 22e rang des producteurs mondiaux de café. Et pour cause : les exportations du Cameroun, qui est l’un des rares producteurs au monde de robusta et d’arabica, ont baissé de plus de 70 % entre 1986 et 2009, passant de près de 110 000 à 32 700 t. À ce rythme, si rien n’avait été fait pour enrayer cette tendance inexorable à la baisse, la production de café au Cameroun aurait disparu dans les dix années à venir.

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Aujourd’hui, il est question de monter à 80 000 t la production des deux variétés (arabica et robusta). Mais les écueils sont nombreux. « Nous faisons face à une désaffection des jeunes à l’égard de la culture du café, constate le patron de l’ONCC. Ce désamour s’explique en partie par la pénibilité du processus de production. » Mais la faible quantité de main-d’oeuvre disponible n’explique pas tout : l’abandon et le vieillissement des plantations, ainsi que la taille modeste des exploitations, sont autant de handicaps pour relancer la filière.

Aussi, dans sa quête d’une meilleure rentabilité de ce produit de base, le gouvernement a décidé de miser sur la qualité. « Même en faible quantité, un café haut de gamme dans un marché de niche vous fait gagner plus d’argent qu’une grande quantité de moins bonne qualité », pronostique Michael Ndoping. L’autre défi est de prendre exemple sur l’Éthiopie, premier producteur africain, pour faire du café un produit de consommation intérieure.

Comme la bière

Environ 16 % du cacao et 5 % du café produits au Cameroun sont transformés localement. Le gouvernement souhaite porter ces pourcentages à 50 %. Un travail de communication et d’éducation pourrait susciter une hausse de la consommation du café dans les habitudes alimentaires des Camerounais… et attirer les investisseurs. « Pourquoi ne pas envisager de prendre à la bière la place qu’elle occupe dans les produits consommés chez nous ? » ose le directeur général de l’ONCC.

Augmenter la consommation locale, et, partant, la transformation sur place, favoriserait la création de nouvelles PME, pourvoyeuses d’emploi. Il faudrait pour cela convaincre les grands exportateurs, notamment les grandes multinationales du cacao (ADM, Cargill, Bary Callebaut…), d’investir dans la transformation au Cameroun. Mais cela est une autre histoire…

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