Côte d’Ivoire : Ouattara et la CPI, ou la stratégie de l’évitement

Après avoir réclamé que la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur les crimes du camp Gbagbo, le président ivoirien Alassane Ouattara se montre aujourd’hui très réticent à livrer ses anciens adversaires à La Haye. Explications.

Fatou Bensouda, à son arrivée au palais présidentiel d’Abidjan, le 3 avril. © Sia Kambou/AFP

Fatou Bensouda, à son arrivée au palais présidentiel d’Abidjan, le 3 avril. © Sia Kambou/AFP

Publié le 19 avril 2012 Lecture : 2 minutes.

Il avait sollicité la Cour pénale internationale (CPI) au plus fort de la crise postélectorale. Désormais, le président Alassane Ouattara souhaite que la Côte d’Ivoire recouvre son entière souveraineté judiciaire. Tel est en sub­stance le message qu’il a fait passer à la Gambienne Fatou Bensouda en la recevant le 3 avril à Abidjan, en présence de Loma Cissé Matto, sa ministre déléguée à la Justice.

La future procureure générale de la Cour (elle prendra ses fonctions en juin) a eu également un entretien avec Jeannot Kouadio Ahoussou, le Premier ministre. Officiellement, la Côte d’Ivoire continue de coopérer avec la CPI dans le cadre de ses enquêtes afférentes aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis par les deux camps depuis septembre 2002. Mais, en réalité, la justice ivoirienne bloque le transfert des « présumés coupables ».

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« Nous avons été convoqués le 28 mars à Odienné au motif de la remise à notre cliente d’une décision juridique sous scellés venue de l’étranger, explique Serge Gbougnon, l’un des avocats de Simone Gbagbo. Deux jours plus tard, alors que nous étions sur place, le parquet général nous a indiqué que l’audience avait finalement été annulée. »

Emotion

Selon diverses sources, l’acte en question serait le mandat d’arrêt de la CPI émis à l’encontre de l’ex-première dame, que les autorités ivoiriennes ne veulent pas mettre à exécution.

Craignant que la Cour n’incrimine également des responsables de son camp, redoutant aussi l’émotion que ne manquerait pas de susciter la livraison d’une femme et la forte opposition des intellectuels africains, Ouattara ne souhaite plus envoyer personne à La Haye. Il l’a fait savoir lors de sa visite en France en janvier et l’a réaffirmé dans une interview à la télévision nationale, le 30 mars. « La CPI n’est compétente que lorsqu’il y a absence de volonté de l’État ou incapacité de sa part… Aujourd’hui, les juridictions [nationales] sont opérationnelles », a justifié Gnénéma Mamadou Coulibaly, son ministre des Droits de l’homme.

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Embarras

À l’évidence, le chef de l’État souhaite rester maître de son agenda judiciaire, ne pas compromettre la réconciliation et donner des assurances aux anciens chefs de guerre qui l’ont porté au pouvoir, aujourd’hui tous incorporés dans la haute hiérarchie militaire… mais passibles de poursuites internationales, si l’on en croit plusieurs rapports d’ONG.

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Ce qui plonge la CPI dans l’embarras. « Elle a besoin de détenir des personnalités des deux camps pour ne pas apparaître comme l’exécutante d’une justice de vainqueurs, explique un spécialiste du dossier. Mais cela affaiblirait Ouattara. » 

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