Présidentielle américaine : pas facile pour Mitt Romney d’être à la fois mormon et candidat
Demandez-le à Mitt Romney. Même s’il ne s’en vante pas, le probable candidat républicain à la présidentielle américaine est membre de l’étrange Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours…
C’est le boulet de Mitt Romney, en même temps que sa part la plus intime : sa foi mormone. Elle sera forcément au centre des débats lorsque le désormais probable candidat républicain à la présidentielle affrontera Barack Obama.
Pas sûr que cela joue en sa faveur. Quatre-vingt-deux pour cent des Américains disent en effet ne rien connaître de cette religion pourtant fondée sur leur sol, en 1830, par un certain Joseph Smith, doux illuminé convaincu d’avoir reçu d’un ange la révélation de textes sacrés. Ces textes sont consignés dans le Livre de Mormon, révéré au même titre que la Bible. Mais il y a pis. Bien que chrétiens, à quelques nuances près – ils ne croient pas en la sainte Trinité -, les mormons (2 % de la population américaine) sont considérés par beaucoup, notamment les chrétiens évangéliques, comme une secte. Cela a handicapé Romney dans la bataille des primaires, car lesdits évangéliques ont choisi de se rallier au catholique Rick Santorum.
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, à laquelle appartient la majorité des mormons américains (son siège est Salt Lake City, dans l’Utah), cultive la discrétion. Elle ne tient pas à mettre en évidence ce qu’un commentateur appelle ses « excentricités historiques ». Même certains mormons ne savent pas que la polygamie, abolie par l’Église mormone en 1890, était au coeur du mormonisme originel. C’est même la raison pour laquelle les ancêtres de Romney, au XIXe siècle, ont dû fuir les États-Unis – où la polygamie a été interdite en 1882 – pour s’établir au Mexique, où ils fondèrent une colonie mormone polygame.
Une Église très conservatrice
Par ailleurs, ce n’est qu’en 1978 que les Africains-Américains (1 % des membres de la communauté) sont devenus membres à part entière de l’Église mormone. Auparavant, ils ne pouvaient pas être ordonnés prêtres. Romney tente de faire oublier ce passé peu glorieux en célébrant le rôle joué par son père dans la défense des droits civiques. Mais, qu’il le veuille ou non, l’Église mormone est restée très conservatrice. Dans les années 1970, elle était en première ligne dans la lutte contre les droits des femmes. Elle l’est aujourd’hui contre le mariage gay. En 2008, elle a joué un rôle crucial dans le rejet d’une proposition de loi en ce sens, en Californie.
Un autre scandale l’a récemment éclaboussée. Les mormons ont coutume de baptiser leurs proches décédés. Mais certains l’ont fait à tort et à travers. Même la pauvre Anne Frank, qui, comme l’on sait, était juive, est ainsi devenue mormone plus de soixante ans après sa mort ! L’Église a été contrainte de s’excuser pour ces douteuses pratiques.
Tout cela n’incite pas Romney à se montrer disert sur sa foi, qu’il n’a mentionnée qu’une seule fois dans la campagne des primaires – d’autant que, selon un récent sondage, 22 % des électeurs jurent qu’ils ne voteraient en aucun cas pour un candidat mormon. Elle est pourtant l’élément structurant de sa vie. Dans les années 1960, il a été, trente mois durant, missionnaire en France, les jeunes mormons étant tenus de consacrer au moins deux ans de leur vie au prosélytisme. Au cours des cinq dernières années, il a fait don à son Église de 4 millions de dollars.
Sa religion explique-t-elle l’incapacité chronique de Romney à se montrer proche des Américains ? Possible. En tout cas, sa personnalité semble bien à l’image de sa foi : austère (thé, café et alcool sont interdits) et secrète. Un talon d’Achille que, le moment venu, pourrait exploiter le camp Obama. S’il est désigné par les républicains, il lui faudra bien tôt ou tard fendre l’armure. Ce jour-là, ce sera toute une religion qui fera son coming out.
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