Au Burkina Faso, l’armée française se fait discrète

Personne ne tient vraiment à parler d’eux, mais cela fait bientôt deux ans que les hommes du Commandement des opérations spéciales françaises ont posé leurs valises dans la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou.

Le nombre de soldats français stationnés à Ouagadougou est difficile à établir. © Yempabou Ahmed Ouoba pour J.A

Le nombre de soldats français stationnés à Ouagadougou est difficile à établir. © Yempabou Ahmed Ouoba pour J.A

Publié le 16 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

À Ouagadougou, ils n’existent pas. « On ne voit que leurs hélicoptères qui survolent la ville quand ils s’entraînent, note un journaliste. Ils ne sortent jamais en treillis. » Pour la plupart des Burkinabè, ce sont de simples étrangers – des touristes, pensent-ils, auxquels ils essaient de vendre des bijoux. Qui pourrait se douter que ces hommes en short et en tongs sont la fine fleur de l’armée française ?

Combien sont-ils, ces éléments d’élite qui stationnent au Burkina depuis bientôt deux ans ? Où dorment-ils (certains sont dans des hôtels, d’autres dans des camps) ? Où s’entraînent-ils ? Impossible de le savoir. À Paris comme à Ouaga, c’est silence radio. Côté français, on nie sans grande conviction, puis on botte en touche quand le sujet est mis sur la table. À Kosyam, le palais présidentiel, on explique, un peu gêné : « Ils sont bien là, mais ils veulent être discrets. Et ils ont raison. »

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C’est à voir… Ici comme ailleurs, l’opacité est mère de toutes les spéculations. « Si le régime était menacé, comme il l’a été l’année dernière, ces troupes ont-elles pour mandat de lui venir en aide ? » s’interroge un opposant. Officiellement, la France ne compte que quelques militaires en détachement provisoire au Burkina, dans le cadre du soutien que Paris apporte à l’armée burkinabè depuis l’indépendance. En fait, ils sont beaucoup plus nombreux. Il y a là des instructeurs, des pilotes, des mécaniciens et des soldats d’élite, prêts à tout moment à aller au feu. Ce sont eux qui, le 8 janvier 2011, avaient tenté de libérer deux Français enlevés à Niamey. Appelés en urgence, ils avaient sauté dans trois hélicoptères et avaient intercepté le convoi des preneurs d’otages à la frontière entre le Niger et le Mali. L’opération fut un échec (les otages avaient été tués), mais la capacité d’intervention des Français n’est pas passée inaperçue. Il se dit que même les Américains ont été impressionnés…

"Ils transmettent leur savoir-faire à nos soldats"

« Ce sont de valeureux combattants, note un officier burkinabè, impressionné par leur sérieux. Ils transmettent leur savoir-faire à nos soldats. » Tous ont passé des tests pour intégrer le Commandement des opérations spéciales (COS), une structure hors norme qui rassemble l’ensemble des forces spéciales des différentes armées. Un vivier de plus de 3 000 hommes issus des régiments les plus réputés.

En vingt ans, les hommes du COS ont eu le temps de visiter l’Afrique. Ils ont vu les Comores, d’où ils ont chassé Bob Denard, la Somalie, Bangui, Abidjan… Récemment, ils ont « fait » la Libye. Aujourd’hui, ils sont en Afghanistan et au Burkina, dans le cadre de la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), mais dans la plus totale opacité. Leur arrivée à Ouaga remonte à l’automne 2010, quand la menace islamiste s’est précisée… et quand le nouvel ambassadeur français, Emmanuel Beth, est arrivé. Est-ce une coïncidence ? Ce général expérimenté récemment converti à la diplomatie n’est autre que le frère de Frédéric Beth, lui aussi un général, qui a commandé le COS jusqu’en août 2011 avant de rejoindre la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). En attendant, à Ouaga, peu d’indices permettent de deviner ce que font ces hommes qui, au milieu d’un déjeuner un beau jour de mai dans un hôtel du centre-ville, s’arrêtent soudainement de parler pour écouter la télé quand il est question du Mali. Un possible champ d’action ?

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