Livres : Le Caire, la ville qui ne dort jamais

Avec « Le courageux mourra dans la bataille », le journaliste-écrivain Tristan Jordis entraîne son lecteur dans Le Caire de l’après-révolution égyptienne.

Le Caire, place Tahrir le 4 juin 2011. © AFP

Le Caire, place Tahrir le 4 juin 2011. © AFP

Publié le 15 juin 2012 Lecture : 2 minutes.

Démarche intéressante : agacé par le manque d’intérêt des médias pour le Printemps arabe, Tristan Jordis s’est rendu en Égypte pour en savoir plus. « Je ne connaissais pas vraiment le pays, ça rendait les choses plus faciles en quelque sorte. Ça permet une liberté d’exploration », explique l’auteur, déjà remarqué avec Crack (2008), qui dévoilait les dessous du milieu de la drogue à Paris.

Cette fois-ci, l’écrivain s’est immergé, à partir de mai 2011, dans la tourbillonnante ville du Caire. Il en émerge aujourd’hui avec un second livre, Le courageux mourra dans la bataille. Le récit, écrit à la première personne, donne au lecteur la sensation de vivre les événements au fur et à mesure qu’ils ont lieu. « J’ai découvert avec le documentaire une méthode d’écriture qui permet aux gens de voir et de sentir les choses, dit-il. Je voulais partager mon expérience, faire en sorte que le lecteur ait l’impression d’être à ma place. » Les personnages, affublés d’un surnom concocté par l’auteur, sont réels et pleins de vie. Il y a Ahmed Polo Rose, Mohamed Félin, mais aussi Mohamed Roommate, étudiant en urbanisme, Aliya, ex-responsable de la Banque centrale d’Égypte, devenue activiste politique, ou encore Adel, employé dans un atelier de fabrication de cuisine. À travers leurs différents parcours, l’auteur dresse un tableau fidèle de la société égyptienne. Des milieux artistiques et intellectuels de gauche à « la majorité silencieuse », incarnée par la bande d’amis du quartier populaire d’Al-Malek al-Saleh, qui vivent déconnectés des soubresauts politiques de la place Al-Tahrir.

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Inexpérience. Ces soubresauts sont néanmoins évoqués par Aliya, qui revient avec précision sur le soulèvement de janvier 2011 et les aspirations des jeunes manifestants. « C’est un milieu beaucoup plus hétéroclite qu’on ne pourrait le croire. Ce n’est pas juste la bourgeoisie, c’est aussi beaucoup de gens des quartiers populaires », indique Tristan Jordis.

Le journaliste-écrivain a également rencontré des responsables des Frères musulmans, première force islamiste du pays. « C’est un parti politique. On ne peut pas dire que ce soit l’abnégation qui les anime. Ils n’ont aucune expérience politique, mais ils se rattrapent sur le plan culturel et moral », juge-t-il. Avant d’ajouter : « Ils vont se planter, et leur inexpérience politique va être la clé du changement. »

Mais au fond, Le courageux mourra dans la bataille est surtout une ode à la ville du Caire. Une capitale que l’on découvre au gré des pérégrinations de l’auteur, passionné d’urbanisme et d’architecture. Descriptions et impressions personnelles permettent au lecteur de s’imaginer les ruelles tortueuses d’Al-Malek al-Saleh et les avenues du centre-ville haussmannien à l’architecture surannée. « Cette ville est une invitation… Ce mélange des époques, cette hospitalité… L’aqueduc qui était là, et juste derrière le cimetière copte, les minarets, les charrettes à ânes qui passaient… », se souvient Tristan Jordis avec émotion. Le style et l’écriture de l’écrivain traduisent également la frénésie d’une métropole qui ne dort jamais. « On voit des parties de football entre des gamins de 8 ans à 4 heures du matin, c’est hallucinant. New York n’est rien à côté du Caire. » 

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