Burkina Faso : l’affaire Ismael Sankara
Un portrait du rappeur burkinabè Ismael Sankara publié dans « Jeune Afrique » suscite une polémique. Le problème ? La filiation supposée de l’intéressé avec l’ancien président burkinabè, Thomas Sankara. Explications.
« Désolé, mais légalement je ne suis pas le fils de Thomas Sankara. Pour être reconnu comme son fils, cela nécessiterait un recours à la justice et soulèverait beaucoup de questions sensibles… Actuellement, certaines personnes au Burkina pensent que le gouvernement du président Blaise Compaoré est impliqué dans cette affaire et cette situation est allée jusqu’à créer une campagne avant une audience de justice [le 28 juin, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la famille Sankara portant sur la séquestration de l’ex-président, NDLR]. Je ne souhaite pas être associé à tout cela. Je suis un artiste, et mon travail est la musique. »
>> Lire le portrait d’Ismael Sankara paru dans Jeune Afrique no 2684
Voilà le dernier e-mail que m’a adressé le rappeur Ismael Sankara, le 23 juin, après la publication de son portrait dans J.A. (no 2684). Un portrait repris et commenté dans la presse burkinabè. Aujourd’hui, nos lecteurs s’interrogent sur la réalité de cette filiation. Leurs demandes sont légitimes, et je me dois de raconter dans quelles conditions cet article a vu le jour.
Un père qui "avait une vision"
Tout a débuté par une rencontre, en mars, avec un réalisateur gabonais qui se trouve être également l’un des deux producteurs de The Rhythm of My Life, un documentaire de vingt minutes consacré au rappeur. On y voit l’artiste enregistrer un album à Libreville et parler de son travail. Il fait aussi une allusion ambiguë à son enfance aux États-Unis, à une mère qui « ne voulait pas parler des coups durs du passé », à un père qui « avait une vision » et « savait ce qui allait arriver ». Lorsque j’ai demandé si Ismael était le fils de Thomas Sankara, le réalisateur gabonais m’a répondu par l’affirmative, tout en me disant que l’artiste était assez discret sur sa vie de famille.
Il m’a ensuite mis en contact avec Ismael Sankara, que j’ai rencontré à l’hôtel Onomo de Libreville au début de mars pendant près d’une heure. Ce dernier m’a confirmé être le fils de Thomas Sankara. Son talent, la version qu’il m’a donnée de son histoire et le travail des documentaristes – primé lors de deux festivals de cinéma – m’ont convaincu de proposer un article à ma rédaction.
Liens avec la famille
Après sa publication, Ismael Sankara m’a prié d’écrire un correctif, me disant qu’il était soumis à des pressions familiales et qu’il était encore trop tôt pour dévoiler son passé. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas revenir sur la version qu’il m’avait donnée. Il s’est ensuite adressé à ma rédaction en chef, qui lui a proposé un droit de réponse. Nous avons reçu un e-mail (d’une adresse inconnue), que nous lui avons demandé de reprendre pour y apporter des précisions, et de signer.
À l’heure du bouclage, nous n’avions rien reçu, si ce n’est un courriel de Théodul Sankara, neveu du président défunt, qui précise : « Ismael porte peut-être le nom Sankara, il a peut-être des liens avec la famille, mais Ismael n’est pas un fils de Thomas. » Aujourd’hui, je poursuis mes investigations et n’écarte aucune hypothèse.
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