Mauritanie : les femmes politiques se mobilisent pour plus de représentativité

Leur nombre au Parlement est revu à la baisse. On les a évincées des postes où elles avaient été nommées après la présidentielle de 2009. Un recul inacceptable pour les femmes, qui se mobilisent.

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © AFP

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © AFP

Publié le 2 août 2012 Lecture : 4 minutes.

Lassées d’être cantonnées à jouer les seconds rôles, les Mauritaniennes tapent du poing sur la table. Avant que ne soit fixée la date des prochaines élections législatives et municipales – prévues en novembre 2011 et reportées sine die -, elles s’organisent et posent leurs exigences. C’est ce qu’elles ont confirmé à l’issue de la rencontre régionale sur la promotion de la participation politique des femmes, qui s’est tenue à Nouakchott les 3 et 4 juillet, et à laquelle ont participé des dizaines d’associations nationales, du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest. 

Quota de représentativité

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À défaut de la parité, les Mauritaniennes réclament un quota de 33 %, au lieu de 20 % actuellement, au sein du Parlement et des conseils municipaux. Et pourquoi pas, aussi, un quota dans l’administration. « Les femmes de ce pays, qui représentent 52 % de la population, sont diplômées, éveillées et ont prouvé qu’elles sont capables d’occuper toutes les fonctions, parfois même mieux que les hommes », souligne Aminetou Mint Moctar, présidente de l’Association des femmes chefs de famille.

En 2006, après avoir été longtemps marginalisées, les femmes avaient réussi le tour de force de faire adopter une loi fixant leur représentativité à 20 %. Texte à peu près respecté lors des élections du mois de novembre suivant, puisque l’Assemblée nationale compte 19 % de femmes, le Sénat 16 % et les conseils municipaux 32,6 %.

Toutefois, son amendement, à la suite du Dialogue national scellé en octobre dernier par un accord sur des réformes constitutionnelles, a mis le feu aux poudres. Désormais, pour les législatives, une liste nationale de 20 sièges sera réservée aux femmes au niveau des scrutins locaux, mais, dans le même temps, le nombre de députés passera de 95 à 146… « C’est un véritable retour en arrière, puisque nous ne serons plus représentées qu’à hauteur de 13 % ! » proteste Toutou Mint Khatri, secrétaire générale du parti Adil (majorité) et ex-ministre de la Promotion féminine de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. D’autant que la participation des femmes aux listes régionales devient du même coup caduque. Toutes ont fait leurs comptes et arrivent au même résultat… « Si les élections sont organisées dans ces conditions, les femmes ont peu de chances d’être élues, dit Fatma Mint Khoubah, membre du Groupe de plaidoyer pour l’accès des femmes aux instances de décision. Nous demandons aux partis politiques de placer des femmes en tête d’une de leurs deux listes, au niveau national et à Nouakchott. »

Élan brisé

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Au sein du gouvernement aussi, l’élan suscité par le chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, s’est brisé. Peu après son élection en 2009, il avait en effet confié cinq portefeuilles à des femmes au sein de son premier gouvernement – Affaires étrangères ; Affaires africaines ; Fonction publique ; Culture, Jeunesse et Sports ; Famille, Enfance et Affaires sociales. Il avait par ailleurs nommé une conseillère à la présidence, fonction conférant rang de ministre. Des femmes avaient également pu accéder aux postes d’ambassadrices, de walis (gouverneurs) et de préfets. Un signe d’ouverture de la part du président Aziz, interprété comme une forme de remerciement envers celles qui s’étaient particulièrement impliquées lors de sa campagne.

Sauf que les Mauritaniennes ont vite déchanté. Aujourd’hui, elles ne sont plus que trois au gouvernement – Moulaty Mint el-Moctar (Famille, Enfance et Affaires sociales), Maty Mint Hamady (Fonction publique et Modernisation de l’administration) et Cissé Mint Cheikh Ould Boide (Culture, Jeunesse et Sports). Elles ont également dû faire une croix sur les postes à responsabilité dans l’administration locale et dans la diplomatie, remplacées par des hommes. Sous la pression (un collectif d’initiatives du droit des femmes a adressé un plaidoyer au chef de l’État), une femme a finalement été nommée en tant qu’ambassadrice au Canada en 2011.

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Nous ne nous laisserons pas faire !

Nana Mint Cheikhna, Députée, présidente de la Coordination des femmes dans l’opposition démocratique

« Nous ne nous expliquons pas une telle régression, reconnaît Khattou Mint Baham, présidente du Cyberforum de la société civile et apolitique. Peut-être des réticences subsistent-elles au sein de l’entourage du président… » 

Un rôle de citoyenne

La politique reste la chasse gardée des hommes, qui plus est dans les hautes sphères. Si on reconnaît leurs talents de militantes pour battre campagne autour des candidats, la primature, la présidence de l’Assemblée nationale, celle du Sénat et la magistrature suprême sont encore des postes verrouillés pour elles.

Bien qu’elles soient trois à diriger des partis politiques, seule Aïcha Bint Jeddane s’est présentée lors d’une élection présidentielle, en 2003, et a finalement renoncé à le faire en 2009. Quant à Fatimetou Mint Abdel Malek, élue dans la moughataa de Tevragh Zeina, à Nouakchott, elle est désormais la seule maire du pays.

Pour que les femmes ne soient plus en reste, les différentes initiatives de défense de leurs droits viennent donc de décider de s’unir au sein d’un seul mouvement. « Nous devons ouvrir les esprits dans les régions, les familiariser, pour sortir le pays de son engrenage tribal », dit Nana Mint Cheikhna, députée du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et présidente de la Coordination des femmes de l’opposition démocratique, créée fin juin. Et d’ajouter, fermement : « Nous ne nous laisserons pas faire ! » Leur nouveau plaidoyer, transmis mi-juillet au gouvernement, n’a toujours pas reçu de réponse.

« Dans notre société berbère et peule, les Mauritaniennes, considérées comme des battantes, sont valorisées, analyse Cheikh Saad Bouh Kamara, professeur émérite de sociologie. Incontournables dans le développement du pays, elles ont pris conscience de leur rôle de citoyenne. » Il serait donc temps que le pays les fasse monter en première ligne.

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