Tunisie : pourquoi il faut y croire

Un an après les premières élections démocratiques, la situation ne semble guère reluisante en Tunisie. Reste que les raisons d’espérer sont nombreuses.

De g. à d. : Moncef Marzouki, un salafiste tunisien, Béji Caïd Essebsi et une militante. © AFP, SIPA, Ons Abid, AFP

De g. à d. : Moncef Marzouki, un salafiste tunisien, Béji Caïd Essebsi et une militante. © AFP, SIPA, Ons Abid, AFP

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Publié le 29 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

Les augures prédisent à l’ancienne Carthage un sombre avenir. Depuis la révolution du 14 janvier 2011, et plus encore depuis les élections du 23 octobre 2011, la Tunisie émet des signaux inquiétants, que nos haruspices des temps modernes, en particulier les médias, interprètent volontiers comme l’annonce d’un naufrage inévitable. Il est vrai que l’avis de tempête est permanent. Tout tourne autour du parti vainqueur de ce premier scrutin libre et démocratique de l’histoire du pays, Ennahdha (40 % des suffrages exprimés). Les islamistes se sentent pousser des ailes et tentent d’imposer un modèle de société qui ne correspond en rien au discours préélectoral, volontiers rassurant. « Charia », « femmes complémentaires de l’homme » – et non égales, donc -, « atteinte au sacré », médias sous pression : Ennahdha s’est désormais mis en tête d’assumer sa domination et de façonner une autre Tunisie. Mais elle a dû reculer.

Opposition rassemblée

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S’est-elle laissée griser par l’ivresse du pouvoir ou a-t-elle finalement révélé son vrai visage ? Les propos tenus par son leader emblématique, Rached Ghannouchi, devant des salafistes, révélés par deux vidéos largement diffusées sur internet dans lesquelles il dévoile son projet de théocratie à bâtir pierre par pierre dans la plus grande discrétion laissent à penser que la seconde hypothèse est la bonne. Ce serait cependant occulter le fait que le parti, tiraillé entre différents courants, plus ou moins modérés et aptes au compromis, est loin d’être homogène et que des dirigeants tels que l’actuel Premier ministre, Hamadi Jebali, ne sont pas forcément sur la même longueur d’ondes que le « cheikh ».

Si Ennahdha n’est plus la même, elle trouve également face à elle des adversaires requinqués, plus soudés qu’avant octobre 2011, et un contexte différent. Hier, ils étaient nombreux à faire la danse du ventre sous le nez des islamistes dans l’espoir d’obtenir une place de choix au sein du futur pouvoir. Aujourd’hui, l’opposition s’est rassemblée, notamment autour de Nidaa Tounes (« L’appel de la Tunisie »), lancé à l’initiative de l’ex-chef du gouvernement provisoire Béji Caïd Essebsi. Sans oublier une société civile en permanence sur le qui-vive, qui sait s’exprimer quand il le faut et obtenir les résultats escomptés. Enfin, Ennahdha a perdu le blanc-seing obtenu après le 14 janvier 2011. Elle est désormais comptable d’un bilan- qui n’est guère reluisant. Chômage, flambée des prix, relance économique, insécurité, violences, justice, déséquilibres régionaux, rédaction laborieuse de la Constitution, libertés publiques… Autant de dossiers primordiaux non résolus, même si la tâche n’était évidemment guère aisée.

Confiance

Alors, les augures ont-ils raison ? Il est bien trop tôt pour enterrer les rêves des pionniers du Printemps arabe. D’abord parce que la Tunisie a toujours su trouver jusqu’à présent le moyen, grâce à sa culture du compromis, de ne jamais franchir le Rubicon. Les désirs des uns se heurtent à la résistance des autres, mais chaque camp – islamistes contre modernistes – a entretenu les fils du dialogue et su faire des concessions pour préserver l’essentiel. Dans un tel contexte, d’autres nations africaines ou arabes auraient implosé. La Tunisie est toujours debout. Mieux, malgré des accès de fièvre récurrents, elle fonctionne quasi normalement. Enfin, aujourd’hui, tout est plus clair : les forces politiques en présence comme le calendrier électoral (les élections législatives et présidentielle sont prévues pour le 23 juin 2013) et le chemin qui mène à la fin du provisoire, de l’intérimaire et donc de l’instabilité. Car ce ne sera qu’après les prochaines élections, avec un pouvoir et des institutions installés dans la durée, crédibles et légitimes, que la véritable marche en avant pourra être enclenchée. Le pays traverse une période certes délicate, mais elle est aussi exaltante. Les Tunisiens ont beaucoup appris de cette transition et ont mûri. Pourquoi, dès lors, ne pas croire en eux ? La vigilance n’empêche pas la confiance…

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