Chine : Xi Jinping résolu à dire adieu au goulag ?
Le nouveau président chinois, Xi Jinping, qui s’apprête à faire une tournée africaine, paraît résolu à tirer un trait sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire de la République populaire : les camps de rééducation par le travail.
Alors qu’il s’apprête à prendre ses fonctions de président de la République populaire, Xi Jinping va sans doute faire un geste très symbolique : fermer les tristement célèbres laogai, ces zones de non-droit où s’entassent entre 200 000 et 350 000 prisonniers détenus sans jugement et contraints de travailler gratuitement. Il subsisterait à travers le pays entre 350 et 400 de ces goulags à la chinoise. Mais certaines ONG comme la Laogai Research Foundation avancent le chiffre terrifiant de 4 000.
Fondateur de ladite ONG, Wu Hongda a passé dix-neuf ans dans ces camps. Libéré en 1979, il a émigré aux États-Unis, où il a écrit un livre, Vents amers. « J’y raconte comment, grâce à mon entêtement, à la force intérieure qui m’habite et à la prière, j’ai réussi à ne pas céder au désespoir, explique-t-il. J’ai vu tant d’amis se suicider, mourir de faim ou être assassinés… J’ai subi la torture et l’isolement forcé, j’ai souvent été privé de nourriture. Tout ça pour un simple délit d’opinion. »
Un témoignage édifiant mais rare. Une chape de secret continue en effet de peser sur ces camps créés il y a plus d’un demi-siècle par Mao Zedong, généralement dans des régions reculées, afin d’y enfermer contre-révolutionnaires et ennemis du Parti. Cinquante millions de dissidents, intellectuels, étudiants ou simples fauteurs de troubles y ont séjourné, souvent pendant de longues années. En 1983, Deng Xiaoping – auquel Xi Jinping se réfère volontiers – s’est résolu à réformer les laogai pour en faire des entités économiques autonomes. Chacune d’entre elles rapporterait en moyenne 200 millions d’euros par an ! Selon une enquête publiée par le journal cantonais Nanfeng Chuang, les détenus y travaillent soixante-seize heures et demie par semaine. Au gré des commandes, ces esclaves modernes deviennent agriculteurs, ouvriers ou mineurs. Ils auraient même construit certains tronçons des nouvelles lignes de TGV.
Tout cela commence à faire tache dans un pays devenu la deuxième économie de la planète. Depuis plusieurs années, les appels à réformer le système se multiplient. « Environ 100 000 personnes militent en ce sens depuis près de dix ans, explique l’économiste Hu Xingdou, de l’Institut de technologie de Pékin. Des avocats, des professeurs, des activistes se mobilisent, via internet notamment. C’est probablement le plus important mouvement de contestation de l’histoire de la Chine moderne. » Même le très officiel Quotidien du peuple s’y met ! Selon un sondage publié par l’agence de presse Chine nouvelle, 87 % des Chinois appellent de leurs voeux la fermeture des camps.
Entre 200 000 et 350 000 détenus sans jugment contraints de travailler gratuitement.
Arbitraire
L’été dernier, un tragique fait divers a sans doute constitué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Tang Hui, une jeune femme dont la fille de 11 ans a été kidnappée, violée et forcée à se prostituer, a eu la mauvaise idée de manifester sa colère devant des bâtiments publics. Et de réclamer la peine de mort pour les tortionnaires de sa fille. Résultat : dix-huit mois de camp de travail pour trouble à l’ordre public. L’affaire s’est répandue sur internet comme une traînée de poudre. Sur Weibo, l’équivalent chinois de Twitter, plus de 700 000 personnes ont relayé son histoire. La jeune femme a été libérée.
Les laogai sont le royaume de l’arbitraire. Les condamnés ne sont jamais jugés, leurs familles ne savent pas où ils se trouvent, ni pour combien de temps. De simples manifestants y côtoient des dissidents ou des prostituées. Et malheur à qui aurait l’imprudence de s’opposer à un cadre influent du Parti ! Il aurait de bonnes chances de se retrouver dans un camp pour quatre ans. « C’est en complète contravention avec tous les standards internationaux, s’insurge Nicholas Bequelin, qui suit la Chine pour l’ONG Human Rights Watch. Nous ne pouvons accepter que la décision de priver quelqu’un de liberté soit prise en dehors d’une cour de justice. » Le principe de la réforme semble aujourd’hui acquis. Reste à savoir quelle forme celle-ci prendra. Car le régime ne manque pas de moyens répressifs pour faire taire les opposants !
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