Parti sans laisser d’adresse
Alain Mabanckou est un écrivain franco-congolais.
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Alain Mabanckou
Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.
Publié le 8 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.
Thomas B. Reverdy signe avec Les Évaporés l’un des livres les plus remarqués de cette rentrée littéraire française. Pour l’écrire, l’auteur a séjourné plusieurs mois au Japon, en 2012, à la villa Kujoyama à Kyoto, juste un an après la catastrophe nucléaire de Fukushima. De ce séjour, Reverdy nous livre une fiction envoûtante autour de la disparition d’un certain Kaze, cadre japonais qui du jour au lendemain « part », laissant sur la table de son bureau une lettre à sa femme dans laquelle il lui demande de ne pas être triste, « de faire comme s’il était mort ». Au Japon, lorsque quelqu’un disparaît, on dit qu’il s’est « évaporé ». Cela n’inquiète ni la police ni la famille puisqu’il n’y a pas d’infraction et qu’une famille qui se plaindrait souffrirait du déshonneur.
La fille de Kaze, Yukiko – qui habite en Californie -, ne l’entend pas de cette oreille. Elle se lance à la recherche de son père accompagnée de Richard B., son ancien amant, une sorte de détective raté. À travers cette quête où se mêlent charme et mystère, Reverdy trace le décor d’un Japon en proie à ses démons.
À travers cette quête où se mêlent charme et mystère, Reverdy trace le décor d’un Japon en proie à ses démons.
Entre catastrophes naturelles ou nucléaires et vies démantibulées dans les camps de réfugiés autour de Sendai ou encore dans les quartiers des travailleurs pauvres de San’ya à Tokyo, le roman se passe dans les strates d’une nation qui ne ressemble pas à celle que nous renvoient les cartes postales. Fiction ou réalité ? Reverdy précise dans une « note de l’auteur » : « Tout ce qui est raconté ici est vrai : c’est le fruit d’expériences vécues, de rencontres et de nombreuses lectures faites sur place. » Le personnage détective Richard B. n’est autre que l’écrivain américain Richard Brautigan, qui a lui-même vécu au Japon dans les années 1970 et à qui Reverdy prête les traits de quelques-uns de ses personnages. Certaines pensées de Richard B. viennent des poèmes de l’auteur américain, pensées que Reverdy a pris le soin de mettre en italique.
Les chapitres brefs, ciselés, instillent une atmosphère de mystère, et le lecteur est pris au piège de ce voyage au bout du pays du Soleil levant, un roman de la fuite et de la renaissance, de l’obstination, mais aussi de la désolation. « Ce roman « japonais » est ainsi le témoin de ma fréquentation de cette civilisation qui me demeure encore, à bien des égards, étrangère », souligne avec humilité l’auteur en guise de conclusion. Un livre lumineux, dense, sous forme de déclaration d’amour pour une civilisation qui ne cesse de nous enchanter malgré la colère des dieux…
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