France : deux idées fausses sur le « problème rom »
La première : confondre les « gens du voyage », qui sont français, avec les immigrés roumains et bulgares. La seconde : croire que les difficultés d’insertion de ces derniers sont culturelles.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 30 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.
Oui, il y a bien un problème rom, mais ceux qui le dénoncent commettent deux contresens. Le premier est la confusion entre les Roms venus d’Europe de l’Est et le reste de la communauté. Quand Christian Estrosi, le maire UMP de Nice, fustige "les belles et grosses voitures avec lesquelles ils tirent leurs belles et grosses caravanes pour lesquelles il faudrait parfois toute une vie pour pouvoir se payer les mêmes", il vise évidemment les "gens du voyage", selon l’appellation administrative. Le problème est que ces Roms-là sont… français. Selon le Conseil de l’Europe, on en dénombre 400 000 dans l’Hexagone. Par définition, ils ne peuvent être expulsés. Les difficultés viennent des 17 000 Roms, pas nomades pour deux sous ceux-là, originaires d’Europe orientale : Roumanie, Bulgarie et, de manière générale, Balkans. Depuis l’adhésion de la Roumanie (1,8 million de Roms) et de la Bulgarie (750 000), en 2007, ils peuvent, comme tous les ressortissants européens, circuler librement dans un pays de l’Union pendant trois mois. Au-delà de ce délai, ils doivent justifier de ressources suffisantes, faute de quoi ils peuvent être expulsés vers leur pays d’origine.
Historiquement maltraités
Le deuxième contresens est de croire que leur difficulté à s’insérer tient à leur culture ou à une absence de valeurs. En fait, c’est leur extrême pauvreté qu’il faut incriminer. En Roumanie, ils furent esclaves jusqu’au XIXe siècle, puis manipulés par le régime communiste. Aujourd’hui encore, ils y sont ostracisés. Beaucoup vivent dans des ghettos misérables, et ils représentent le quart des analphabètes recensés dans ce pays. Quand ils arrivent en Europe occidentale, certains sont tentés de dérober un peu de la richesse à laquelle leurs moyens d’existence plus que précaires ne leur permettent pas de prétendre. Surtout quand ils sont embrigadés dans des mafias de Bucarest ou de Sofia.
Historiquement, le peuple rom, la plus importante minorité européenne avec 12 millions de personnes, a été la première cible de la xénophobie des peuples du continent.
Historiquement, le peuple rom, la plus importante minorité européenne avec 12 millions de personnes, a été la première cible de la xénophobie des peuples du continent. Ils ont été envoyés aux galères par Louis XIV, stérilisés en Suède au début du XXe siècle, exterminés par Hitler (800 000 morts)… Les États continuent à osciller à leur égard entre coercition et recherche de solutions plus "humaines".
Le seul pays qui semble avoir répondu à la demande de Bruxelles d’une stratégie nationale d’intégration des Roms est l’Espagne. En 1978, 75 % des Gitans espagnols vivaient dans des logements insalubres. Ils ne sont plus aujourd’hui que 12 % dans ce cas. Et beaucoup poursuivent des études, ce qui leur permet d’accéder à des emplois mieux rémunérés. En Hongrie et en Slovaquie, des quotas leur sont réservés dans certains métiers, alors qu’en France ils ne peuvent prétendre qu’à 291 métiers dûment répertoriés.
Ce dernier pays alterne destructions de campements illicites et reconduites à la frontière. Lancée par Nicolas Sarkozy, cette politique a été poursuivie par Manuel Valls (12 000 expulsions en 2012), avec l’octroi de primes au retour : aujourd’hui, 50 euros par adulte. Le gouvernement Ayrault a tenté d’adoucir ces procédures par une circulaire du 26 août 2012 qui oblige les pouvoirs publics à établir un diagnostic de la situation des familles avant leur expulsion, afin de repérer celles qui pourraient profiter de programmes d’insertion et, le cas échéant, de leur fournir des logements d’urgence en dur.
La France : pays de cocagne
Tout cet arsenal ne sert à rien. On détruit un bidonville, il réapparaît un peu plus loin. Le plus souvent, ni les diagnostics ni le relogement n’ont lieu. L’argent du retour une fois dépensé en Roumanie, les Roms reviennent dans ce pays de cocagne qu’est à leurs yeux la France. Dans ce contexte, leurs enfants ne peuvent être scolarisés, ce qui réduit à néant leurs chances de sortir un jour du cycle de la marginalité, de la misère et de la délinquance.
>> Lire aussi : Les Roms, éternels expulsés
Le 1er janvier 2014, Roumains et Bulgares seront autorisés à travailler sans restriction dans l’ensemble de l’Union européenne. Qu’adviendra-t-il alors ?
Gitans, Tsiganes, Manouches et Bohémiens
"Rom" est le terme générique adopté en 1971 par l’Union romani internationale pour désigner des groupes ethniques nommés Kalés, Tsiganes ou Sintis, sans parler d’appellations plus ou moins péjoratives comme Gitans, manouches, bohémiens ou romanichels. Dans la langue romani, ce terme signifie "homme accompli et marié au sein de la communauté". Cet idiome dériverait des langues de l’Inde (sanscrit, hindi), puisque le peuple rom a, à partir du XIe siècle, émigré par vagues successives du Rajasthan et du Panjab. Mais il comporte de nombreux emprunts aux langues des pays où ses différentes composantes ont résidé. Le peuple rom a un drapeau, une fête "nationale" (le 8 avril) et un hymne (Djelem). Sans doute animiste quand il vivait en Inde, il a adopté au fil des siècles les religions de ses pays d’accueil. Les Roms sont musulmans en Turquie et dans les Balkans, catholiques en Espagne et en France, protestants en Allemagne et en Alsace.
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