Au nom des femmes

Sylvia Bongo Ondimba est première dame du Gabon et présidente de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la famille.

Publié le 25 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Plus de la moitié des femmes gabonaises avouent avoir subi, à un moment de leur existence, des violences diverses dans leur foyer, mais aussi au travail ou à l’école. Parfois verbales, lorsqu’il s’agit d’insultes dégradantes, mais souvent physiques, des coups et blessures ou des actes de harcèlement sexuel. Des sévices graves, dans tous les cas, qui peuvent conduire à la folie voire à la mort.

Qu’une seule et unique maman, épouse, adolescente ou fillette ait à subir la violence d’un époux, d’un père ou d’un petit ami, dans notre pays, est suffisamment révoltant pour que nous dénoncions cet état de fait et, surtout, cherchions les moyens de l’enrayer.

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Quelle image du couple les enfants garderont-ils quand papa cogne inlassablement sur maman ? Est-ce cela l’atmosphère aimante, indispensable au développement harmonieux de leur citoyenneté ? Comment la fillette, devant le supplice subi par sa mère, peut-elle se construire une image d’elle digne et valorisante ?

Plus d’une femme gabonaise sur cinq subit des violences d’ordre sexuel au cours de sa vie.

À la violence conjugale se joint un autre fléau, tout aussi destructeur, mais plus dangereux encore, car insidieux, innommable, tapi dans l’ombre : l’abus sexuel. Il est présent sous toutes ses formes et partout ; il fait des ravages, de manière invisible mais profonde, puisque la victime, prisonnière du tabou qui l’accompagne, n’ose révéler le crime qui l’a frappée ni demander réparation. Plus d’une femme gabonaise sur cinq subit des violences d’ordre sexuel au cours de sa vie. Vingt pour cent des victimes de ce drame le sont avant l’âge de 14 ans et 10 % avant… 10 ans. Des statistiques odieuses et inacceptables, au Gabon comme ailleurs en Afrique et dans le monde. Car il faut bien se rendre à l’évidence : la violence, quelle que soit sa forme, est le lot quotidien de beaucoup de femmes, ici comme ailleurs.

Qui entend ces femmes, hormis quelques écrivains audacieux comme Jean Divassa, Sylvain Nzamba ou Justine Mintsa, qui ont osé dénoncer dans leurs oeuvres l’inceste, la maltraitance que subissent nos enfants ou nos collégiennes soumises à ce que, avec une cruelle dérision, elles qualifient de MST, pour "moyennes sexuellement transmissibles" ?

En tant que femme, mère, gabonaise, mais aussi en tant que première dame, je ne puis rester insensible à autant de souffrances mises sous le boisseau. Il est de mon devoir de traquer sans relâche toutes les injustices que subissent mes soeurs, souvent maltraitées, violées, humiliées, tourmentées, dépouillées de leurs droits et de leur honneur.

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>> Lire aussi : Femmes, elles n’ont pas tous les droits

La défense de cette cause est un défi ambitieux, qui se heurte à de nombreux obstacles : les coutumes ancestrales d’abord, qui trop souvent relèguent la femme dans un rôle de subalterne, faisant d’elle la propriété de son époux. Combien de femmes chez nous furent, il n’y a pas si longtemps, obligées d’épouser le frère de leur mari défunt sans éprouver le moindre sentiment à son égard ? Combien sont aujourd’hui spoliées, au prétexte fallacieux qu’une femme ne devrait pas hériter des biens de son époux ?

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Les femmes les plus pauvres, les moins éduquées, restent malheureusement les plus touchées. Réduites à l’état de ménagère, de génitrice, ou pis, d’objet sexuel, elles sont dans l’incapacité physique, morale et financière de réagir. Il revient donc à l’État de les soutenir et de les défendre. Il revient à la nation de ne pas les oublier, de ne pas fermer les yeux sur cette triste réalité dont la responsabilité nous incombe à tous.

Se défaire de cet effroyable carcan est un devoir avant tout moral – il est bien triste d’avoir à le rappeler – mais aussi social, économique et politique.

Se défaire de cet effroyable carcan est un devoir avant tout moral – il est bien triste d’avoir à le rappeler – mais aussi social, économique et politique : nous ne pourrons construire le Gabon et l’Afrique de demain si la moitié de la population ploie sous le joug de l’autre.

C’est pourquoi il est urgent d’agir. Et vital de prendre les mesures adéquates pour protéger toutes les femmes et oeuvrer à leur épanouissement. Non pas, contrairement aux poncifs d’un autre âge, contre les hommes, mais avec eux.

En ce 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, je formule le voeu de voir cet enjeu hissé au rang de grande cause nationale en 2014, au Gabon. Il nous faut prendre conscience de l’ampleur du défi que nous avons à relever ensemble, pour faire de l’Afrique un continent dans lequel chaque citoyen est reconnu et valorisé dans ce qu’il a de meilleur.

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