Législatives guinéennes : l’opposition met de l’eau dans son bissap

La plupart des adversaires du président Alpha Condé ont fini par accepter de siéger à l’Assemblée nationale. Pour préparer la prochaine présidentielle, mieux vaut être dans la place.

Le 25 novembre, la Cour Suprême a validé les résultats du 28 septembre. © TOMMY TRENCHARD/REUTERS

Le 25 novembre, la Cour Suprême a validé les résultats du 28 septembre. © TOMMY TRENCHARD/REUTERS

Christophe Boisbouvier

Publié le 1 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

La Guinée respire. En cas de défaite aux législatives du 28 septembre, l’opposition avait menacé de descendre dans la rue pour protester contre la fraude. Elle a perdu d’un cheveu, et elle n’a pas manifesté. Elle a même accepté, le 12 décembre, de siéger dans la nouvelle Assemblée.

"La raison a eu le dessus sur l’émotion et on ne peut que s’en réjouir", déclare Lansana Komara, le secrétaire administratif du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir), qui arrive en tête avec 53 sièges. La "raison", c’est la nécessité de préparer la mère des batailles, à savoir la présidentielle de 2015. "Si nous sommes à la Chambre, nous serons plus efficaces dans le combat contre la fraude", explique Cellou Dalein Diallo, le numéro un de l’opposition, dont le parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a obtenu 37 sièges. "La fraude n’a jamais été prouvée, réplique Moustapha Naïté, le porte-parole du RPG. Si on fraude, c’est pour avoir au moins 70 % des sièges, pas seulement quatre ou cinq sièges de plus que l’adversaire !" En tout cas, le pouvoir n’aura pas la majorité des deux tiers qui permet de modifier la Constitution ou le code électoral. Il ne pourra pas non plus réformer sans débat la très controversée Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

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Les députés de l’opposition : des garde-fous ?

Pour Cellou, le plus important, c’est d’occuper le terrain avant 2015. "En 2011, après son élection, le président Condé a remplacé les chefs de quartier et dissout les conseils communaux en violation du code des collectivités. Sur le coup, je n’ai pas compris pourquoi, avoue l’opposant. Maintenant, au vu des fraudes du 28 septembre, je sais que c’était notamment pour entraver la distribution des cartes d’électeur chez nos partisans. En mars prochain sont prévues les élections communales. Il faudra qu’on en sorte avec un maximum d’élus pour sécuriser la présidentielle."

Au sein de l’UFDG, tout le monde n’est pas d’accord. Pour Bah Oury, le numéro deux du parti, "Alpha Condé est contrarié d’avoir perdu à Conakry et en Basse-Guinée. Il va donc maintenir l’opérateur Waymark afin de réviser le fichier électoral à son profit. Et les députés d’opposition seront débauchés un à un par le pouvoir". Comme Bah Oury, Lansana Kouyaté, le chef du Parti de l’espoir pour le développement national (PEDN), est pour le boycott de la Chambre. "Je suis la principale victime des fraudes, clame-t-il. Je ne suis pas un pyromane, mais il y a un minimum de règles à respecter." Il faut dire que, pour son malheur, Kouyaté partage son fief de Haute-Guinée avec Alpha Condé, et que, dans sa ville natale de Kouroussa, son parti n’a obtenu officiellement que 2 % des voix.

Les députés de l’opposition seront-ils des garde-fous avant la présidentielle de 2015 ? Comme l’UFDG, l’Union des forces républicaines (UFR) veut y croire, et c’est pourquoi ses dix élus siégeront. Mais son chef, Sidya Touré, reconnaît que l’Assemblée ne réglera pas tous les problèmes. "Il faut que le cadre de concertation pouvoir-opposition soit maintenu, dit-il, afin que l’accord du 3 juillet soit appliqué et qu’un nouvel opérateur soit recruté pour sécuriser le fichier de 2015. Si ça ne marche pas, on reviendra à la mobilisation générale."

Dans la majorité aussi, on vise 2015

La victoire serrée du RPG aux législatives rend-elle Alpha Condé fébrile avant la présidentielle de 2015 ? "Pas du tout, répond Moustapha Naïté, le porte-parole du parti au pouvoir. Désormais, le RPG est la première force politique du pays. Il est vrai que ces résultats nous interpellent. Mais d’ici à 2015, nos efforts pour l’électricité et les routes deviendront mesurables. Et depuis 2010, les prix du carburant et du sac de riz n’ont pas bougé." À mi-voix, plusieurs proches de Condé reconnaissent tout de même que les scores du RPG en Basse-Guinée et à Conakry les inquiètent. Ils savent que l’UFDG de Cellou Dalein Diallo est une citadelle imprenable. Mais ils espèrent pouvoir influencer l’UFR de Sidya Touré. Objectif : isoler Cellou et, comme en 2010, rassembler tous les anti-UFDG autour d’Alpha.

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