Burkina – Beyon Luc Adolphe Tiao : « La rue ne peut pas renverser un gouvernement »

Pour le Premier ministre burkinabè, Beyon Luc Adolphe Tiao, la révision constitutionnelle qui permettrait au président Compaoré de briguer un nouveau mandat doit faire l’objet d’un débat national.

L’ancien Premier ministre burkinabè, Luc Adolphe Tiao. © DR

L’ancien Premier ministre burkinabè, Luc Adolphe Tiao. © DR

Publié le 4 février 2014 Lecture : 3 minutes.

En avril, cela fera trois ans que Beyon Luc Adolphe Tiao, ancien ambassadeur du Burkina en France, occupe la primature. Celui qui se définit comme "le premier collaborateur du président" est de ceux qui pensent que Blaise Compaoré n’a pas fini sa mission à la tête du pays.

Jeune Afrique : Des dizaines de milliers de Burkinabè ont manifesté le 18 janvier contre la modification de la Constitution et la création d’un Sénat. C’est un sérieux avertissement…

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Beyon Luc Adolphe Tiao : Il faut reconnaître que cette marche a rassemblé du monde, mais cela prouve aussi qu’il est possible de s’exprimer librement dans ce pays. Chaque Burkinabè a le droit de manifester. Ce qui ne doit pas nous faire oublier qu’il y en a aussi qui soutiennent le chef de l’État, et qui seraient prêts, eux aussi, à en faire la démonstration. Cependant, nous ne nous inscrivons pas dans un bras de fer. Nous sommes dans une République. Cela signifie que nous utiliserons les voies légales pour appliquer notre politique. Ce n’est pas en descendant dans la rue qu’on fait tomber un gouvernement.

Participez au débat

Jeune Afrique : Faut-il modifier l’article 37, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels ?

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Beyon Luc Adolphe Tiao : Légalement, notre Constitution le permet. Soit en recourant à un référendum, soit en passant par l’Assemblée et en obtenant le vote des trois quarts des députés. Maintenant, il s’agit d’une décision d’ordre politique. Et il est tout à fait normal dans un pays démocratique d’engager ce débat.

L’idéal serait un référendum car les choses seraient plus claires.

Quelle voie comptez-vous emprunter : le référendum ou le vote des députés ?

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L’idéal serait un référendum car les choses seraient plus claires. Recourir à l’Assemblée aurait été plus simple si nous avions disposé des trois quarts des députés [96 députés sur 127], ce qui n’est pas le cas. Nous devons donc discuter avec nos alliés, mais sans nous précipiter : nous avons quelques mois devant nous.

La vague de démissions au sein du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a-t-elle changé vos plans ?

Non, même si nous avons été surpris par la décision de ceux qui sont partis. Nous ignorions leur opposition à la création d’un Sénat et à la modification de l’article 37. Le chef de l’État avait mis sur pied une commission, composée justement de ces personnes-là [dont Roch Marc Christian Kaboré et Simon Compaoré], pour lui faire des propositions. Elles avaient souligné les risques qu’il y aurait à modifier l’article 37, mais se disaient prêtes à accompagner le président dans son choix. Elles ont soudainement changé d’avis.

>> Lire aussi : "Opposition burkinabè : ça tangue à Ouaga pour Blaise Compaoré"

Dans cette histoire, la volte-face est générale. Pourquoi avoir décidé de limiter le nombre de mandats à deux en 2000 pour revenir là-dessus aujourd’hui ?

Dans une Constitution, les articles ne sont pas figés. C’est le congrès du CDP de 2010 qui a donné le ton en considérant que l’article 37 était antidémocratique. Si le chef de l’État a envie de se représenter, nous pensons qu’il doit pouvoir le faire.

Cela fait vingt-six ans que Blaise Compaoré est au pouvoir. N’y a-t-il pas un moment où il faut savoir passer la main ?

Quoi qu’en dise l’opposition, le Burkina Faso est un pays démocratique.

Mais qui vous dit qu’il ne passera pas la main ? Le président a beaucoup fait pour le pays. Ces vingt-six années ont été celles de la paix et du développement. Le Burkina Faso se porte bien sur le plan économique et est un garant de la stabilité dans la sous-région. C’est pourquoi nous pensons qu’il peut continuer à diriger le pays.

Que reste-t-il à faire pour en faire un exemple de démocratie ?

Quoi qu’en dise l’opposition, le Burkina Faso est un pays démocratique. Nous n’avons plus de prisonniers politiques, la liberté de la presse est totale… Ce qu’il faut améliorer, c’est la culture citoyenne.

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Propos recueillis à Ouagadougou par Rémi Carayol

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