RDC – Laurent Monsengwo Pasinya : un Dieu, pas de maître
Il est membre du conseil des huit cardinaux chargés de plancher sur les réformes de l’Église et n’a pas sa langue dans sa poche. Pour le Congolais Laurent Monsengwo Pasinya, pas question d’être à la botte du pouvoir politique.
En 2013, il fêtait le cinquantenaire de sa vie sacerdotale. Aujourd’hui, Laurent Monsengwo Pasinya appartient au groupe des huit cardinaux ("C8") choisis par le pape François pour réfléchir aux réformes à entreprendre concernant les finances de l’Église et de la curie romaine.
Depuis les années 1990, lorsqu’il dirigeait les travaux de la Conférence nationale souveraine du Zaïre ou qu’il présidait le Parlement de transition, ce cardinal congolais a toujours su se distinguer. À l’époque où il était président de la Conférence épiscopale du Zaïre, Monsengwo Pasinya faisait office de contre-pouvoir. Et ce n’est pas un hasard si c’est lui que le pape a désigné. "Il a un esprit très ouvert tout en étant attaché à la tradition. Et il n’hésite pas à dire ce qu’il pense vraiment", estime l’abbé Donatien Nshole Babula, secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
L’archevêque de Kinshasa est le seul Africain à être titulaire d’un doctorat en Écritures saintes.
L’archevêque de Kinshasa, seul Africain à être titulaire d’un doctorat en Écritures saintes, s’est toujours imposé comme un fervent défenseur de la justice, la transparence et l’intégrité. Un jour, il a déclaré : "L’Église ne fait pas de cadeaux aux délinquants", se souvient Nshole Babula.
Pour le père Joseph Ballong, directeur émérite du service des programmes en français de Radio Vatican destinés à l’Afrique, le choix de Monsengwo Pasinya s’explique par plusieurs raisons. Le pape connaît le cardinal depuis longtemps déjà. Lorsqu’il était encore Mgr Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, il logeait au même endroit que Monsengwo Pasinya chaque fois qu’un conclave se tenait à Rome. Les deux hommes avaient alors pour habitude de prendre le petit déjeuner ensemble. L’année dernière, François l’a chargé de la prédication qui précède le carême. Selon le père Ballong, "le cardinal congolais est un brillant intellectuel, l’un des rares à savoir parler latin. C’est un homme de terrain, à la fois politique et religieux, doté d’un charisme et d’une expérience indéniables. Il a d’abord dirigé un petit diocèse, puis un plus grand, et désormais un archidiocèse".
"Quand le pays va mal, il en souffre beaucoup"
Dans son pays, le cardinal Monsengwo Pasinya ne laisse personne indifférent. Il n’a jamais hésité à dénoncer tout ce qu’il estime inacceptable : la mauvaise gouvernance, les élections mal organisées, la dépravation des moeurs… Il a ainsi critiqué les résultats de l’élection présidentielle de 2011 et a refusé de participer aux concertations nationales organisées à la fin de l’année 2013. "Il a une grande sensibilité politique. Quand le pays va mal, il en souffre beaucoup. C’est un homme intègre qui met sa spiritualité au service de son pays. Ses adversaires le redoutent parce qu’il est déterminé à changer les choses", souligne Philippe Biyoya, professeur de sciences politiques à Lubumbashi et à Kinshasa.
Considéré par certains comme un opposant au pouvoir, le cardinal a toujours tenu à ce que les prêtres de son archidiocèse ne soient pas à la botte du gouvernement. Il n’a pas hésité à muter un prêtre qui vantait les mérites des "cinq chantiers", l’ancien projet de société de Joseph Kabila. À 75 ans, l’archevêque de Kinshasa est resté égal à lui-même. Dans les années 1990, d’aucuns voyaient en lui un candidat à la présidence de la République. "En aucun cas je ne retirerai ma soutane pour endosser un autre rôle", aurait-il rétorqué. À Rome, une rumeur prétend même qu’il aurait eu son mot à dire dans la création des futurs cardinaux.
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