Chine : Hans – Ouïgours, le spectre de la guerre ethnique hante l’Empire
Après les sanglants attentats perpétrés par des Ouïgours musulmans à Pékin et à Kunming, la Chine est-elle au bord de la guerre ethnique ?
"Nous sommes tous des habitants de Kunming !" Le message fait le tour des réseaux sociaux en témoignage de solidarité avec les familles des victimes de l’attaque à l’arme blanche du 1er mars contre la gare de la capitale du Yunnan, dans le sud-ouest du pays : 29 morts et 140 blessés, parmi lesquels des femmes et des enfants.
Très vite, les autorités ont mis en cause les Ouïgours, ces musulmans du Xinjiang qui, depuis 2009, multiplient les attaques contre le régime communiste. Et, de fait, le Mouvement islamique du Turkestan oriental (Etim) a revendiqué l’opération. Selon les services américains, Abdul Haq, son chef, serait membre d’Al-Qaïda. Longtemps, l’Etim s’est borné à attaquer des postes de police dans le Xinjiang, avant de se radicaliser, l’an dernier. En octobre, un attentat-suicide a été perpétré place Tiananmen, à Pékin, tuant cinq personnes. L’attaque du 1er mars a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : la vague d’indignation, puis de colère, qui a balayé le pays n’est pas sans rappeler les excès de l’après-11 Septembre, aux États-Unis. Maisons fouillées et saccagées, musulmans harcelés par les forces de l’ordre, renforts militaires déployés dans le Xinjiang, renforcement du quadrillage de Pékin par la police, l’armée et les services secrets à l’occasion de l’ouverture de la session de l’Assemblée populaire nationale… Les Chinois nagent en pleine paranoïa.
Les Chinois ? Mieux vaudrait dire : les Hans. Car la République populaire compte pas moins de cinquante-six groupes ethniques ou nationaux. Certes, plus de 90 % de la population est han, c’est-à-dire chinoise de souche, mais des "minorités" sont présentes partout, notamment dans les territoires colonisés à partir du XVIIIe siècle à la périphérie de l’Empire. Lorsqu’on qualifie les Ouïgours, les Tibétains ou les Mongols de "minorités ethniques", encore faut-il se souvenir que lesdites "minorités" ont longtemps été majoritaires sur leurs territoires respectifs.
Le gouvernement est parfaitement conscient de ce danger séparatiste. Sa hantise, c’est que le pays se disloque comme le fit l’URSS au début des années 1990.
Les Ouïgours dépossédés de leurs terres
Les Ouïgours, par exemple, constituaient 95 % de la population du Xinjiang au début du XXe siècle, contre environ 40 % aujourd’hui. Comme les Tibétains, ils se sentent dépossédés de leur terre. D’autant que la plupart sont pauvres et vivent dans les parties les plus reculées de la province. Un tiers des emplois les mieux rémunérés sont occupés par des Hans, et 13 % par des Ouïgours. Deux facteurs cristallisent l’opposition de ces derniers au régime communiste : leur identité ethnique et l’islam. Une partie de la population est-elle en train de basculer dans le terrorisme aveugle ? On peut le craindre. Dans un pays en proie à de fortes tensions sociales, politiques et religieuses, ce réveil des divisions ethniques est une menace pour l’unité de la République populaire.
Le gouvernement est parfaitement conscient de ce danger séparatiste. Sa hantise, c’est que le pays se disloque comme le fit l’URSS au début des années 1990. Xi Jinping en avait même fait l’un des thèmes de son discours devant les cadres du Parti communiste réunis à Pékin en novembre 2012. Selon lui, l’un des grands échecs de l’Union soviétique fut son incapacité à réduire les tensions ethniques. Lui est partisan de la manière forte : pour mater les séparatistes, le Parti doit rester fermement aux commandes. Bonne nouvelle pour lui, après le massacre du 1er mars, il bénéficie du soutien de 90 % de la population.
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