Chine – Vietnam : frères ennemis

En dépit de leur proximité géographique et culturelle, les deux pays sont au bord de la guerre. À cause d’un simple différend territorial en mer de Chine méridionale ? Pas seulement.

Manifestants devant l’ambassade de Chine à Hanoï, le 11 mai. © MAI KY/AFP

Manifestants devant l’ambassade de Chine à Hanoï, le 11 mai. © MAI KY/AFP

Publié le 2 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Depuis la guerre de Corée, dans les années 1950, la Chine n’a connu qu’un seul conflit armé : c’était contre le Vietnam. Une guerre marquée par deux épisodes majeurs, en 1979 et en 1988, qui aboutit à une humiliante défaite de ses troupes. Malgré leur proximité culturelle, idéologique – ils sont l’un et l’autre officiellement communistes – et géographique, les deux pays ne s’aiment pas. Certes, la Chine apporta son soutien aux troupes du Nord-Vietnam pendant la guerre contre les États-Unis (1955-1975), mais ce ne fut qu’une parenthèse dans une litanie de conflits. Depuis toujours, deux nationalismes et deux ambitions régionales s’opposent.

L’installation en mer de Chine méridionale, en pleine zone revendiquée par les deux pays depuis trente ans, d’une plateforme pétrolière chinoise a donc été ressentie à Hanoï comme une provocation. Et comme les deux peuples ont l’un et l’autre le sang chaud, de véritables émeutes antichinoises se sont ensuivies. Elles ont provoqué l’évacuation forcée de près de trois mille ressortissants chinois. Quatre mille autres sont déjà sur le chemin du retour.

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L’Armée populaire de libération mobilisée sur plusieurs fronts

Sur la frontière longue de 750 km, c’est le branle-bas de combat. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, l’Armée populaire de libération (APL) est mobilisée sur plusieurs fronts : en mer de Chine orientale, face aux frégates japonaises ; dans l’archipel des Spratleys, face aux Philippines et au Vietnam ; et dans le détroit de Formose, où l’armée américaine a renforcé ses positions et où les Taïwanais haussent le ton pour affirmer leur autonomie.

Pour la première fois, le général Fang Fenghui, chef d’état-major de l’APL, a donc tapé du poing sur la table et évoqué l’hypothèse d’une guerre pour mettre un terme aux différends territoriaux entre la Chine et ses voisins – au premier rang desquels, bien sûr, le Vietnam et les Philippines. Encore une provocation, a-t-il menacé, et le canon parlera. Une rhétorique guerrière reprise à la une de tous les journaux chinois.

Pourtant, et c’est peut-être le signe d’une certaine confusion à Pékin, le président Xi Jinping joue à l’inverse la carte de l’apaisement. Sur le site internet du ministère de la Défense, il a rappelé que "le peuple chinois a toujours été pacifique et n’a jamais cherché à envahir un autre pays ni à exercer sur lui une quelconque hégémonie". La thèse est historiquement contestable : des siècles durant, le Vietnam fut le vassal de l’empire du Milieu, à qui il était tenu de payer tribut – et en était durement puni si d’aventure il omettait de le faire. Elle n’a donc nullement apaisé l’ire des Vietnamiens.

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Sécuriser les roues maritimes

Dans ce drôle de jeu où l’on souffle alternativement le chaud et le froid, c’est pour l’instant le chaud qui l’emporte. La Chine n’a guère le choix : il lui faut impérativement sécuriser les routes maritimes par où transite, entre le détroit de Malacca et celui de Formose, plus de 80 % du pétrole qu’elle consomme. En cas de blocus, elle se retrouverait totalement asphyxiée. Pour elle, la porte du Sud est vitale, elle doit coûte que coûte la maintenir grande ouverte. D’autant que, quarante et un ans après les accords de Paris qui mirent fin à la guerre du Vietnam (1973), les États-Unis se retrouvent dans ce bras de fer du côté de leur ennemi d’hier, comme Hillary Clinton l’a confirmé juste avant de quitter le département d’État, en 2012. L’Histoire se laisse parfois aller à de bien curieuses facéties. Mais la Chine, de plus en plus isolée dans la région, n’a nulle envie de rire.

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Avant de laisser parler les armes, elle tente quand même, une dernière fois, de ramener à la raison son très sourcilleux voisin en le frappant au portefeuille et en suspendant toute relation commerciale avec lui. Mais le Vietnam, qui en a vu d’autres, n’a pour l’instant aucune intention de se laisser dicter les nouvelles règles du jeu. Même si la Chine est son premier partenaire économique.

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