Mariage de Moulay Rachid : comment l’union fait la force de la monarchie marocaine
Moulay Rachid, le frère du roi, n’est plus célibataire. Son choix s’est porté sur la fille de l’ancien gouverneur de Marrakech. Logique, dans une monarchie qui a toujours veillé, à travers des alliances régionales, à fédérer toutes les composantes de la société autour du trône.
Dimanche 15 juin, l’ambiance était à la fête au palais royal de Rabat. Musique andalouse, buffet marocain, personnalités du monde politique et économique… Et, en président de cérémonie, Mohammed VI. Ce jour-là, Moulay Rachid, son frère cadet, signait son acte de mariage avec Oum Kaltoum Boufarès, 27 ans, fille de Moulay El Mamoun Boufarès, ancien gouverneur de Marrakech-Médina, mais surtout fils de l’une des soeurs de Mohammed V.
Ce mariage de sang royal, qui s’inscrit dans la tradition de Dar Al-Makhzen, sera suivi d’une cérémonie dont la date n’a pas encore été annoncée. Comme le veut la coutume, la mariée portait un caftan vert et or, symbole de régénération et de fécondité ; le marié, une djellaba blanche, symbole de pureté.
Oum Kaltoum n’est pas connue des Marocains, mais son père est une figure de Marrakech. Moulay El Mamoun, comme l’appellent ses habitants, était très impliqué dans la gestion de la ville lorsqu’il était gouverneur. "Quand une maison de la vieille médina tombait en ruine, il était toujours le premier à se rendre sur les lieux. C’est même lui qui alertait les pompiers", raconte l’un de ses amis.
Moulay Rachid : le bras droit de Mohammed VI
Le mariage du jour concerne une personnalité politique de premier plan. Moulay Rachid occupe en effet la deuxième place dans l’ordre de succession monarchique, après Smyet Sidi – terme utilisé au palais pour désigner le prince héritier Moulay El Hassan, le fils du roi, âgé de 11 ans. Moulay Rachid est surtout le bras droit de Mohammed VI, et son homme de confiance. Comme la Constitution n’assigne aucune mission précise aux princes et aux princesses, il est directement mandaté par son frère pour le représenter lors d’événements à portée internationale ou auprès des autres monarchies.
En tant que chef d’honneur de la marine royale, Moulay Rachid préside toutes les opérations stratégiques de ce corps d’armée.
Son cabinet, situé dans une villa cossue du quartier Les Ambassadeurs à Rabat, est présidé par Mehdi Jouahri, fils du wali de Bank Al-Maghrib (la Banque centrale), son camarade de classe au collège royal. Jouahri organise tous les déplacements du prince, y compris ceux qui sont liés à ses obligations militaires. Car en tant que chef d’honneur de la marine royale, Moulay Rachid préside toutes les opérations stratégiques de ce corps d’armée. Dernière en date : la réception de la frégate Mohammed VI, un immense bâtiment de guerre de quelque 470 millions d’euros, livré en janvier par la France.
Un prince discret pétri de loyauté
Longtemps on a prêté à ce célibataire endurci (44 ans aujourd’hui) toutes sortes d’idylles. D’abord, en 2007, avec une jeune journaliste marocaine – en voulant y voir le signe d’un rapprochement entre la monarchie et les médias. Puis avec une princesse émiratie en mai 2013, au moment où son frère négociait un important accord économique avec les monarchies du Golfe… Tant d’histoires ont été racontées sur ce prince discret, qui parle très peu même s’il a beaucoup d’amis, amoureux de golf comme son père, pétri de loyauté et de devoir familial. "Je travaille chez le roi, et je veille à être à sa disposition à tout moment et de la meilleure manière possible. C’est ma principale mission", a-t-il confié au magazine saoudien Arrajoul ("l’homme") en 2001, lors de l’unique interview qu’il ait jamais accordée.
Mais depuis quelques années, il brise la glace et s’ouvre un peu au monde de la communication. Il signe ainsi des éditoriaux pour les sites internet de la fondation du Festival international du film de Marrakech (FIFM) et de l’Association du Trophée Hassan-II du golf, deux événements qu’il préside et dans lesquels il s’investit personnellement, parfois en enfreignant les règles du protocole, comme lorsqu’il se rend à la salle de presse du FIFM pour saluer un à un les journalistes et accepte d’être pris en photo avec eux.
Au-delà des sentiments qu’il éprouve pour son épouse marrakchie, Moulay Rachid perpétue une tradition des sultans alaouites, qui ont toujours cherché, à travers leurs alliances maritales, à souder les différentes régions du Maroc autour du trône. La mère du roi, Lalla Latifa, est une Berbère de la famille Amahzoune du Moyen Atlas, région de la célèbre tribu des Zayans et du résistant Moha Ou Hamou Zayani. Hassan II a toujours veillé à choisir des unions fédératrices pour son royaume.
Pour ses trois filles, Hassan II a opté pour des maris représentant différentes régions et classes socio-économiques du pays.
Pour ses trois filles, il a opté pour des maris représentant différentes régions et classes socio-économiques du pays (Filali, Benharbit, Bouchentouf). Son fils Mohammed VI a provoqué un petit séisme social en épousant Lalla Salma : une roturière, jeune cadre dynamique, et, surtout, la première épouse d’un souverain chérifien à apparaître en public.
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Les alliances maritales monarchiques se sont modernisées
Mais les relations, qu’elles soient directes ou indirectes, avec le Palais ont toujours joué un rôle dans le casting des mariages monarchiques. Même si elle a été élevée dans le quartier populaire d’Akkari, à Rabat, Lalla Salma fait partie d’une grande lignée fassie (les Bennani) ayant été, à un moment de l’Histoire, au service du Makhzen. De la même manière, même si Lalla Soukaïna, la petite-fille chérie de Hassan II, a épousé un jeune patron de société informatique, il n’en demeure pas moins que le grand-père de ce dernier était un ancien professeur d’arabe au collège royal.
"Les alliances maritales monarchiques se sont modernisées pour être dans l’air du temps, mais elles restent profondément ancrées dans la structure parentale du régime", explique le sociologue Ali Benhaddou, auteur des Élites du royaume et de L’Empire des sultans, deux ouvrages de référence sur l’histoire des alliances familiales et de l’organisation du pouvoir au Maroc.
Pour pacifier un pays souvent théâtre de la siba (fronde tribale), les sultans alaouites octroyaient des privilèges fonciers aux chefs des territoires ingouvernables et/ou concluaient des mariages. Progressivement, ces privilèges ont abouti à la création d’une classe de marchands inféodée au régime. Le même procédé a été utilisé pour rallier les chefs religieux (oulémas) et les nobles (chorfas). À travers ces unions, marchands, oulémas et chorfas se sont greffés à l’institution monarchique, contribuant ainsi à sa légitimité et à sa pérennité.
Selon Benhaddou, pratiquement tous les princes et princesses qui convolent aujourd’hui proviennent de ces trois couches sociales et obéissent à une structure parentale qui se perpétue : bourgeoisie d’affaires, familles de chefs religieux et hauts fonctionnaires territoriaux. Ce qui a changé, c’est que ces heureu(ses)x élu(e)s sont désormais formé(e)s dans de grandes écoles, exercent une activité professionnelle et ont adopté un mode de vie moderne.
Paillettes et politique
Rania en Jordanie, Kate Middleton au Royaume-Uni, Letizia Ortiz en Espagne… Leurs mariages avec de futurs souverains ont donné lieu à de grandes manifestations populaires, dont raffolent les Vanity Fair, ¡Hola! et autres Glamour. Ces unions qui font rêver les foules constituent un excellent moyen de communication politique auprès d’une population en crise ou en manque de leadership.
Pour les pays arabes, les mariages de Lalla Salma ou de Rania symbolisent la modernité et l’émancipation de la femme.
Pour les pays arabes comme le Maroc et la Jordanie, plus que la dimension people chez les Occidentaux, les mariages de Lalla Salma ou de Rania symbolisent la modernité et l’émancipation de la femme. D’abord, parce qu’elles sont des épouses uniques et paraissent en public, elles effacent l’image de la polygamie, encore pratiquée dans les monarchies du Golfe. Ensuite, leur engagement dans la société civile contribue à abolir l’image de la femme – et des concubines – cloîtrées dans les harems, uniquement vouées à la procréation. Leurs apparitions publiques, éminemment politiques, sont donc nécessaires au développement de leurs sociétés.
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