Francophonie : Jean Claude de L’Estrac dans la cour des grands
Le Mauricien Jean Claude de L’Estrac sait qu’il lui sera difficile de succéder au Sénégalais Abdou Diouf à la tête de l’OIF, en novembre. Mais il veut malgré tout croire en sa bonne étoile.
Jean Claude de L’Estrac ne ménage pas sa peine. Fin juin, il participera au sommet de l’Union africaine, à Malabo. Les semaines suivantes, il se rendra dans une petite dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et peut-être même à Washington, début août, à l’occasion du sommet États-Unis – Afrique.
Il faut bien cela quand on est candidat à une élection et que l’on vient, comme il le dit lui-même, de l’un de ces pays "invisibles et inaudibles" : ces petites îles de l’océan Indien qu’on ne représente pas toujours sur les cartes du continent.
Ce Mauricien de 66 ans est un homme de convictions. Cela ne l’empêche pas d’être lucide. Il a beau avoir été le premier à se porter candidat, pouvoir compter sur le soutien indéfectible de son pays et de nombre d’États d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, et être bien vu à Paris, où il a été promu officier de la Légion d’honneur, il sait que ses chances de succéder à Abdou Diouf à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en novembre prochain, sont minces. "Très minces", confirme une source diplomatique française. Qui explique : "L’homme est sérieux et apprécié, mais il reste un outsider parce qu’il vient de Maurice." Et que Maurice, c’est un minuscule rocher dans l’océan de la francophonie – 1,3 million d’habitants, dans un ensemble qui en compte près de 900 millions.
Qu’à cela ne tienne. De L’Estrac, qui, tout au long de sa vie, a mené de nombreux combats (contre la censure, pour le droit au retour des Chagossiens, contre la marginalisation de l’île Rodrigues), n’est pas du genre à se laisser abattre. Il pourrait avoir face à lui quelques anciens chefs d’État comme le Burundais Pierre Buyoya et le Libanais Michel Sleiman, un diplomate aussi connecté que le Congolais Henri Lopes, la célèbre journaliste canadienne Michaëlle Jean, ou d’autres encore, qui attendent le dernier moment pour faire acte de candidature. Mais il croit en sa bonne étoile. "C’est jouable, dit-il. Certes, je viens d’un petit pays, mais un pays qui a des leçons à offrir au monde. Et si je n’ai pas été chef d’État ou Premier ministre, j’ai quand même une certaine expérience gouvernementale."
Jean-Claude de L’Estrac : "La Francophonie n… par Jeuneafriquetv
Un des pères fondateurs de la Commission de l’océan Indien
De L’Estrac, qui a vu le jour en 1948, a eu plusieurs vies. Il a été tour à tour journaliste, politique, diplomate et historien, puis à nouveau journaliste, et encore une fois diplomate. Il a été maire, député et ministre à plusieurs reprises : des Affaires étrangères (en 1982-1983, puis en 1990), du Développement économique, de l’Industrie. "Partout où il est passé, il a laissé son empreinte", avance l’un de ses proches. En 1982, il est l’un des pères fondateurs de la Commission de l’océan Indien (COI). Trente ans plus tard, il en devient le secrétaire général et entreprend avec succès de ressusciter une organisation alors moribonde.
"C’est un Mauricien dans l’âme", juge un cadre du Mouvement militant mauricien (MMM), le parti dans lequel a longtemps milité de L’Estrac. Comprendre : un homme résolument tourné vers l’extérieur. C’est d’ailleurs le message qu’il fait passer depuis qu’il est candidat : "Le moment est venu d’élargir la Francophonie. Il faut qu’elle s’ouvre à de nouvelles régions, à de nouvelles aires linguistiques. Il faut qu’elle s’intéresse davantage à l’économie aussi. L’OIF ne doit pas être perçue comme une institution tournée vers le passé, défendant des combats d’arrière-garde. Si parler français n’apparaît pas comme une valeur ajoutée pour leur intégration dans le monde mondialisé, les jeunes vont s’en détourner."
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