Sénégal : observateurs observés
Tableaux, photographies, vidéos… mettent en lumière ceux que l’on regarde si peu : les gardiens. À découvrir au Goethe-Institut de Dakar.
Une chaise bancale. Un fourneau posé à même le sol. Une assiette où trônent une petite théière et deux verres pour l’attaya, qui rythmera leurs nuits. Un modeste poste de radio afin de rester éveillé, une lampe torche, une matraque de fortune.
Et ces quelques mots accrochés au mur : "Gardiens qui regardent la rue. Qui sont les plus mal regardés." L’installation d’Ibrahima Thiam, Gardien invisible, aurait pu donner son titre à l’exposition "Gardiens du temple" présentée jusqu’au 4 juillet au Goethe- Institut, à Dakar. Mêlant photo (Mamadou Gomis), peinture (Pierre Gosse Diouf, Malick Ly, Lamine Ndiaye, Barkinado Bocoum), vidéo (Ican Ramageli), textes (Pierre-Emmanuel Billet) et installation, elle évoque la condition des gardiens, ce lumpenprolétariat africain qu’on croise à chaque coin de rue, de jour comme de nuit, sans vraiment le voir.
Corvéables 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, pour des salaires de misère, ils accumulent les heures sans sommeil et tirent le diable par la queue alors que leurs employeurs mènent grand train. "J’ai travaillé pour un homme d’affaires franco-malien", raconte Pierre Gosse Diouf, lui-même ancien gardien. "Le salaire qu’il me versait était inférieur à ce qu’il dépensait pour nourrir son chien et son chat."
C’est de la rencontre entre ce peintre autodidacte désireux de rompre avec la fatalité ("Quand je lui ai dit que je peignais, une voisine m’a répondu que je ne pourrais jamais rien faire d’autre que du gardiennage") et l’auteur français Pierre-Emmanuel Billet qu’est née cette exposition polyvalente et engagée, qui laisse percer la touchante humanité tapie derrière cette "vie de chien sans laisse".
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