Cheese ! Retour sur un sommet États-Unis-Afrique très économique
Ils étaient tout sourire sur les photos. En réalité, au sommet de Washington, lors duquel Barack Obama a accueilli près de cinquante dirigeants africains, on a parlé de questions de sécurité, de bonne gouvernance et de business. Mais sans grande conviction.
"Je suis là devant vous en tant que fils d’un Africain. Le sang de l’Afrique coule dans les veines de notre famille." Au cours du dîner donné à la Maison Blanche en l’honneur de ses pairs, le 5 août, Barack Obama n’a pas hésité à jouer sur la corde sensible en évoquant ses liens charnels avec le continent. Pourquoi s’en serait-il privé ? Pour ses invités, c’est, à l’évidence, ce qui le distingue de ses prédécesseurs et des autres dirigeants occidentaux.
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Et c’est sans doute ce qui lui a permis d’attirer près de cinquante dirigeants africains à Washington – une première. Hormis quelques indésirables (le Zimbabwéen Robert Mugabe, le Soudanais Omar el-Béchir et l’Érythréen Issayas Afewerki), une "suspendue" de l’Union africaine (la Centrafricaine Catherine Samba-Panza) et des absents de dernière minute (la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf et le Sierra-Léonais Ernest Bai Koroma, contraints d’annuler leur déplacement en raison de la propagation du virus Ebola dans leur pays), tous ou presque ont répondu présent. Seule l’Afrique du Nord aura résisté au charme d’Obama : ni Mohammed VI, ni Abdelaziz Bouteflika, ni Abdel Fattah al-Sissi n’ont fait le déplacement.
Si l’on se fie au casting, ce premier sommet États-Unis – Afrique remporte un incontestable succès. Il est dû, aussi, au prestige d’une visite officielle dans la capitale de la première puissance mondiale, avec ses escortes de policiers en Harley-Davidson ronronnantes ou ses imposants 4×4 aux vitres teintées. Certains, comme le Congolais Denis Sassou Nguesso et le Camerounais Paul Biya, sont arrivés quelques jours plus tôt afin de profiter au maximum de l’événement et des rives du Potomac.
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Ce succès symbolique est pourtant en décalage avec la réalité. En matière d’échanges commerciaux avec l’Afrique, les États-Unis arrivent derrière la France et sont à des années-lumière de la Chine. Barack Obama n’a pas éludé le sujet. "Nous devons faire beaucoup mieux", a-t-il reconnu dans son discours au US-Africa Business Forum. Taclant – sans les nommer – ses concurrents chinois et leur recherche effrénée de ressources naturelles, l’Américain a dit vouloir être "un bon partenaire, un partenaire à égalité et sur le long terme".
Capter l’attention des Américains en se calant sur leurs critères
Les Africains n’en ont pas moins gardé les pieds sur terre, cherchant à en retirer le plus de bénéfices possible sans trop se faire d’illusions. "Ce genre de rencontre, c’est surtout beaucoup de réseautage, confie un membre d’une délégation maghrébine. Le but est de capter l’attention des Américains en se calant sur leurs critères." Ceux-ci, très clairs, ont été répétés par des responsables de la Maison Blanche durant tout le sommet : bonne gouvernance, transparence, lutte contre la corruption. Un discours qui n’est pas toujours très bien passé.
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"Aujourd’hui, il est beaucoup plus simple de se tourner vers les pays du Golfe, déplorait un chef d’État ouest-africain en aparté. Les règles d’accès aux financements des agences américaines de développement sont complexes et très contraignantes." Washington n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour courtiser le continent. Les propos sur la démocratie et les droits de l’homme auront été très diplomatiques, bien loin d’un discours de La Baule que certains attendaient. "Nous allons travailler avec des pays qui ne sont pas parfaits dans tous les domaines", a même précisé Barack Obama lors de sa conférence de presse de clôture, le 6 août.
Ne souhaitant pas mener d’entretiens bilatéraux, il a chargé son vice-président, Joe Biden, son ambassadrice à l’ONU, Samantha Power, et surtout son secrétaire d’État, John Kerry, de faire passer ses messages. Le 4 août, ce dernier a fait la leçon aux présidents de RD Congo, du Burkina Faso et du Burundi, suspectés de vouloir modifier leur Constitution afin de se maintenir au pouvoir.
Power Africa : fournir de l’électicité à 60 millions de ménages africains
En matière de sécurité, Washington a affiché son soutien aux États déstabilisés par des groupes terroristes. Obama a notamment annoncé le lancement d’une Initiative pour la sécurité et la gouvernance, qui aidera six pays (Ghana, Kenya, Mali, Niger, Nigeria et Tunisie) à former et à renforcer l’efficacité de leurs forces de sécurité. Seconde annonce : une aide financière annuelle de 110 millions de dollars, pendant trois à cinq ans, à six autres pays qui contribuent aux opérations de maintien de la paix, afin de faciliter la mise en place de la Force africaine de réaction rapide aux crises.
Mais ce sont, bien sûr, les dossiers économiques qui ont été au coeur du sommet. Les ministres du continent ont insisté sur la nécessité de reconduire pour quinze ans l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), ce programme qui leur permet d’exporter, sans droits de douane, la plupart de leurs produits manufacturés vers les États-Unis. Or, sur ce sujet comme sur d’autres, Obama doit obtenir l’aval du Congrès, qu’il ne contrôle pas totalement. Cela ne l’a pas empêché de tripler les objectifs de son initiative Power Africa, qui vise à fournir de l’électricité à 60 millions de ménages africains.
Au total, le président américain a livré le montant impressionnant (37 milliards de dollars) des nouveaux accords commerciaux et des investissements, d’ici à 2020. Mais seule une partie de cette somme vient du budget américain, l’essentiel étant financé par des institutions multilatérales pour le développement et des groupes privés. À l’image du Sénégalais Macky Sall prenant la défense d’un Obama qui n’a "pas pu faire autrement que de s’occuper d’abord de son pays", les chefs d’État du continent savent bien, désormais, que le président américain n’est pas le Père Noël.
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