Côte d’Ivoire – Christian Bouquet : « Certains n’ont pas tiré de leçons du passé »
Selon Christian Bouquet, spécialiste français de la Côte d’Ivoire et auteur du « Désespoir de Kourouma », des symptômes inquiétants pour la démocratie subsistent.
Jeune Afrique : La prochaine élection présidentielle ivoirienne est prévue en octobre 2015. Les conditions d’un scrutin apaisé sont-elles réunies ?
Christian Bouquet : Il faut l’espérer. Lors de son entretien télévisé, le 6 août, il émanait du président Alassane Ouattara une sorte de force tranquille. Il a eu des mots rassurants sur plusieurs points. Cependant, les préparatifs de cette élection montrent encore quelques symptômes inquiétants pour la démocratie.
Lesquels ?
Le temps nécessaire pour mettre en place la Commission électorale indépendante [CEI], par exemple, est particulièrement significatif. Tous les partis politiques demandaient une CEI indépendante – tout en voulant absolument la noyauter. De telle sorte qu’on se concentre davantage sur "qui" délivre les résultats que sur les résultats eux-mêmes. Beaucoup ont oublié qu’en principe, dans une démocratie mature, il n’y a pas besoin de CEI.
La démocratie ivoirienne n’est donc pas encore assez "mature" ?
Une partie de la classe politique ivoirienne, toutes tendances confondues, ne l’est pas, démocratiquement parlant… Certains veulent encore que l’on compte les gens selon leur appartenance ethnique, ou n’ont toujours pas compris que l’éligibilité à la présidence de la République d’un homme ne se résumait plus, de fait, au seul article 35 de la Constitution [relatif aux conditions d’éligibilité] dans la mesure où celui-là a fait ses preuves en tant que Premier ministre puis chef de l’État. D’autres contestent encore les résultats de 2010… Et ne semblent toujours pas avoir tiré de leçons du passé.
Quelles sont les autres sources d’inquiétude quant au bon déroulement de ce scrutin ?
Le problème de la liste électorale n’est pas encore réglé. En avril 2013, 5,7 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes pour les élections municipales et régionales. Tous les analystes pensent qu’il en manquait entre 3 et 4 millions. Les résultats du grand recensement en cours – le dernier a eu lieu il y a seize ans – et la délivrance des cartes nationales d’identité, qui a repris en août – après quatre années d’interruption -, seront déterminants pour établir cette liste, même si personne n’ose vraiment le dire. Une question majeure reste donc en suspens : combien d’Ivoiriens pourront voter en 2015 ?
D’autre part, la participation ou non aux élections du FPI [Front populaire ivoirien] est un point crucial. Pascal Affi N’Guessan va-t-il réussir à se démarquer de la figure du père malgré l’opposition interne et présenter sa candidature, ou même celle d’un autre membre du parti ? La Côte d’Ivoire a besoin d’une élection qui voie se confronter les grands partis du pays.
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Propos recueillis par Haby Niakate
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