Pierre de Gaétan Njikam Mouliom, un Franco-Camerounais à la droite d’Alain Juppé à Bordeaux

Homme d’action, l’adjoint d’Alain Juppé à la municipalité bordelaise favorise les échanges entre sa ville et le continent, notamment au travers d’associations locales.

Le Franco-Camerounais à l’hôtel de ville de Bordeaux, en juillet. © Frédéric Desmesures/SIGNATURES pour J.A.

Le Franco-Camerounais à l’hôtel de ville de Bordeaux, en juillet. © Frédéric Desmesures/SIGNATURES pour J.A.

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Publié le 9 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

Un clubbeur d’un genre particulier, mais un clubbeur invétéré. Depuis sa jeunesse, Pierre De Gaétan Njikam Mouliom passe son temps à créer et à animer des clubs de toutes sortes : celui de l’Unesco dans son Kribi natal ou à Yaoundé pendant son adolescence, celui des amis de la culture et celui d’allemand du lycée Leclerc de la capitale camerounaise ; avant de poursuivre l’expérience en France, notamment avec le Club Bordeaux-Cameroun-France.

Un cénacle qu’il dirige actuellement et qui « parraine régulièrement de jeunes entrepreneurs camerounais invités à rencontrer des chefs d’entreprise français ». En juin dernier, l’association invitait à penser le rôle de la diaspora africaine. Des débats auxquels ont participé notamment les philosophes Souleymane Bachir Diagne (Sénégal) et Jean-Godefroy Bidima (Cameroun), ainsi que l’écrivain Alain Mabanckou (Congo).

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« Aujourd’hui, on est africain dans le monde. Cela nous oblige à réfléchir à ce que nous pouvons apporter aux sociétés dans lesquelles nous vivons », explique l’adjoint au maire de Bordeaux chargé de la coopération avec le continent. Proche d’Alain Juppé depuis les municipales de 2001, Pierre De Gaétan Njikam a toujours eu le goût de l’engagement et de l’action. Un trait de caractère que cet homme tout en nerfs a sans doute hérité de son père, chef de la communauté bamoune à Kribi.

J’étais très influencé par Senghor, Nyerere, Nkrumah, Sankara, Sartre… Je croyais aux socialismes africains, avoue-t-il.

Ambitieux, ce Franco-Camerounais l’a toujours été et ne s’en cache guère. Sa soif de mieux l’a poussé dès son plus jeune âge à étudier sans relâche pour figurer parmi les meilleurs. Il lit beaucoup, essentiellement de la philosophie, pour comprendre le monde dans lequel il vivait et penser un futur enviable. « J’étais très influencé par Senghor, Nyerere, Nkrumah, Sankara, Sartre… Je croyais aux socialismes africains », avoue-t-il.

Mais un voyage en Allemagne de l’Est, organisé par la RDA pour les deux meilleurs élèves d’allemand du Cameroun au milieu des années 1980, lui fera perdre ses illusions. « La critique sociale de Marx et Engels m’avait plutôt convaincu, mais quand j’ai découvert Berlin-Est et la dure réalité, j’ai compris qu’il fallait faire la part des choses entre l’apport de la critique sociale marxiste et les modèles sociopolitiques qui ont cru s’en inspirer. »

Proche de l’opposant Maurice Kamto, Pierre De Gaétan Njikam lit Raymond Aron et découvre Max Weber grâce aux conseils du juriste Joseph-Marie Bipoum-Woum : « Ça m’a aidé à me repositionner intellectuellement en ayant conscience qu’il faut toujours se méfier des idéologies. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’oeuvrer pour réduire les injustices sociales. Aujourd’hui, je ne crois plus que l’on puisse faire quoi que ce soit en dehors du modèle libéral. Si je devais me définir ? Je dirais que je suis un libéral-social. »

Lui qui rêve de débat sous le régime du parti unique sans pour autant se dire opposant se verra un temps inquiété par la police politique.

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Lui qui rêve de débat sous le régime du parti unique sans pour autant se dire opposant se verra un temps inquiété par la police politique avant de profiter d’une bourse gouvernementale pour poursuivre ses études de droit en France. Direction Bordeaux, où l’un de ses frères aînés est déjà installé.

Au fil de ses pérégrinations dans la ville de Montesquieu, il découvrira un autre club, celui du Rassemblement pour la république (RPR). En 1995, pour la première fois en France, le Front national est en passe de remporter des élections locales. Alain Juppé, alors président du RPR, refuse toute alliance avec le parti xénophobe. Une déclaration qui séduit PDG, comme le surnomment ses amis, et qui, six ans plus tard, l’incitera à battre campagne pour le futur maire de Bordeaux.

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Très vite, le Camerounais se voit confier des responsabilités au sein du parti : attaché du groupe UMP du conseil général de la Gironde (2002-2008), chargé de mission au cabinet d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux (2008-2014), secrétaire départemental adjoint de l’UMP en Gironde en 2013, avant d’être élu adjoint au maire en mars 2014. Les attaques fusent de toutes parts : remarques racistes d’un côté, accusation d’être « le nègre de service » de l’autre.

Pas facile d’être conseiller diversité dans un parti gouvernemental quand le président de la République en 2007 estime que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». « Dans la lutte politique, les gens cherchent ce qui peut aller contre vous. Certains ne s’interdisent rien », philosophe l’homme politique. Autant dire que, pour 2017, entre l’auteur du sinistre discours de Dakar et celui qui a appelé à ne jamais s’allier au Front national, son choix est certainement fait.

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