Burkina : Moustapha Chafi, un nomade à découvert
Moustapha Chafi ne se mêlait pas de politique intérieure, mais ce conseiller de l’ombre a perdu, le 31 octobre, son principal protecteur en la personne de Blaise Compaoré.
La pilule de l’exil n’a pas toujours la même amertume. Dans la vague de départs précipités des barons du régime qui a suivi la fuite de Blaise Compaoré, le 31 octobre, Moustapha Chafi, 54 ans, diplomate aussi affable qu’énigmatique, est un cas à part.
Le Mauritanien, qui officiait depuis vingt ans aux côtés du président burkinabè en tant que conseiller de l’ombre et qui a su se rendre indispensable à nombre de chefs d’État de la région, a quitté Ouagadougou le 1er novembre avec tous les honneurs : escorté jusqu’à l’aéroport par des hommes du général Diendéré, il a été évacué à bord d’un jet affrété par les autorités ivoiriennes et accueilli, à sa descente de l’avion à Abidjan, par le frère du chef de l’État, Téné Birahima Ouattara. "Tout va bien, je n’ai aucune raison de m’en faire, je reviens à Ouaga quand je veux", expliquait-il quelques jours plus tard.
Sa maison, une magnifique villa d’inspiration arabe située au coeur du quartier huppé de Ouaga 2000, n’a pas été pillée – contrairement à celles des comzones ivoiriens qui possédaient un pied-à-terre dans la zone. Lui-même n’a pas été inquiété. Le nom de Chafi est intimement lié à celui de Compaoré. En deux décennies, il est devenu, dans l’esprit des gens, l’un de ses conseillers les plus influents.
Chafi a été de tous les dossiers chauds de ces vingt dernières années.
Chafi a été de tous les dossiers chauds de ces vingt dernières années. Il a touché du doigt, pour Compaoré et surtout pour Diendéré – son principal référent à Ouaga -, les rébellions touarègues au Niger et au Mali et a flirté avec les rebelles ivoiriens de Guillaume Soro. Au terme de missions épiques en plein désert, il a aussi négocié avec Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid la libération d’otages suisses, espagnols ou français, ce qui lui a valu d’être accusé par son meilleur ennemi, le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz (et soupçonné, un temps, par l’Algérie et par la France), d’être leur complice.
>> Lire aussi : Moustapha Chafi, l’homme qui murmurait à l’oreille des terroristes
Mais Chafi est d’une prudence de Sioux. Il sait que les hommes comme lui ne doivent pas se mêler de politique intérieure. Jamais, assure-t-il, il n’a évoqué la question de la révision constitutionnelle avec son "patron". Ceux qui le connaissent le confirment. "Il ne parlait pas de ça ici, indique un ancien ministre. Tout juste ramenait-il des messages de l’extérieur, disant au chef de faire attention."
Menacé par un mandat d’arrêt international émis par la Mauritanie
Avec la chute de Compaoré, Chafi, qui est toujours menacé par un mandat d’arrêt international émis par la Mauritanie, perd gros : sa base de repli ainsi que son principal protecteur. Mais il a d’autres cordes à son arc. Avait-il senti le vent tourner ? Cela faisait des mois qu’on ne le croisait plus à Ouaga. Désormais, sa vie se passe entre le Maroc, où il a installé sa famille après les mutineries de 2011, et la Côte d’Ivoire, où se trouve l’épicentre de ses affaires et où il bénéficie de la bienveillance de Guillaume Soro.
Chafi, qui a côtoyé par le passé Mouammar Kadhafi, Mano Dayak ou Laurent-Désiré Kabila et "a rendu tellement de services", selon les mots d’un ami, peut en outre compter sur le soutien d’autres chefs d’État de poids dans la sous-région : Alassane Ouattara bien sûr, mais aussi Macky Sall ou encore Mahamadou Issoufou, qu’il conseille lui aussi…
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