Israël : Gadi Eizenkot, faucon éclairé
Nommé chef d’état-major dans un contexte politique et sécuritaire tendu, Gadi Eizenkot, général expérimenté, s’est toujours montré implacable. Sans pour autant être un va-t-en-guerre.
Dans moins de cent jours, il sera peut-être l’unique héritage de Benyamin Netanyahou au lendemain des élections législatives anticipées en Israël. Pourtant, le Premier ministre sortant a longuement hésité avant de nommer Gadi Eizenkot, 54 ans, 21e chef d’état-major de Tsahal. Choix par défaut en l’absence de concurrents avec un meilleur pedigree, d’autant que le successeur de Benny Gantz – dont il fut l’adjoint – n’adhère pas forcément à l’aventurisme de Netanyahou.
Eizenkot s’oppose par exemple à l’option militaire sur le dossier du nucléaire iranien, "à moins d’être pris à la gorge". En 2010, il avait adressé une lettre en ce sens au chef du gouvernement, lui suggérant de renoncer à toute attaque contre la République islamique qui, selon lui, entraînerait le pays dans une guerre dangereuse et anéantirait la sacro-sainte alliance israélo-américaine.
Réputé loyal et discipliné, Gadi Eizenkot est aussi connu pour son franc-parler. "Il n’a pas peur de dire haut et fort ce qu’il pense, affirme l’un de ses proches compagnons d’armes, le général Giora Inbar. Il agira toujours en fonction de ce qu’il pense être juste. Il n’est pas freiné par l’orgueil, l’ego et les intérêts politiques." Un caractère que d’aucuns attribuent à ses origines marocaines – son patronyme dérive du nom berbère Azankad. Malicieux et rusé, ce Séfarade de petite taille et corpulent est présenté comme l’officier le plus doué de sa génération. Il emporte l’adhésion de ses pairs, qui lui reconnaissent un sens stratégique et une expérience opérationnelle remarquables.
Cible numéro un : le hezbollah
Natif de Tibériade, Gadi Eizenkot a endossé l’uniforme en 1978. Il se taille une réputation de "dur" dans la brigade d’infanterie Golani, où il occupera toutes les fonctions de commandement. En 1994, dans la foulée des accords d’Oslo, l’état-major israélien lui confie la gestion sécuritaire de la Cisjordanie avec pour mission d’empêcher les attentats palestiniens tout en tenant d’une main de fer les colons radicaux. "Dans une zone complexe, il a su faire preuve de bon sens, de retenue et parfois de créativité", témoigne l’ancien général Ilan Biran, qui fut son supérieur hiérarchique. Au plus fort de la seconde Intifada, en 2000, Eizenkot se distingue aussi en privilégiant les arrestations de chefs militaires palestiniens au détriment de la politique d’assassinats ciblés.
Près de quinze ans plus tard, le nouveau chef d’état-major de Tsahal hérite d’une situation complexe : risque de soulèvement des Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, moral de l’armée en berne, budget défense 2015 en souffrance, entraînements menacés d’interruption. En outre, après une énième opération aussi longue que peu convaincante face au Hamas cet été, la force de dissuasion israélienne a été écornée.
Selon les observateurs, Gadi Eizenkot s’efforcera d’éviter un embrasement aux frontières du pays. Si aucun accord de trêve prolongée n’a été conclu avec les factions palestiniennes de Gaza, ce sont surtout la Syrie et le Liban qui préoccupent l’armée, car le Hezbollah a récemment annoncé qu’il reprendrait ses attaques. Il se trouve qu’Eizenkot a dirigé le commandement nord de Tsahal et connaît parfaitement le pays du Cèdre.
À son actif, le retrait du Sud-Liban (2000), dont il fut l’architecte aux côtés d’Ehoud Barak, avant de mettre au point la redoutable doctrine "Dahiya", tirée du nom du quartier sud de Beyrouth. Lors de la guerre de 2006, il avait ordonné la destruction de ce fief du Hezbollah. Face à la puissance de frappe de l’organisation chiite pro-iranienne, qui détiendrait près de 100 000 roquettes et missiles, Gadi Eizenkot promet que chaque village libanais servant à des tirs sera "rayé de la carte". "Les plans sont déjà approuvés. S’il le faut, nous frapperons vite et fort", a-t-il prévenu.
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