Ismaïl Ould Cheikh Ahmed : « Contre Ebola, l’ultime étape est la plus difficile »
Ismaïl Ould Cheikh Ahmed est chef de la mission des Nations unies pour l’action d’urgence contre Ebola. Pour lui, l’urgence est de « traiter les poches de résistance dans les communautés qui continuent de cacher les malades ».
Jeune Afrique : Le 4 mars, le Liberia a annoncé qu’il ne comptait plus aucun malade d’Ebola dans ses centres de traitement. En Sierra Leone et en Guinée, le nombre de nouveaux cas oscille désormais autour de 60 par semaine. Voit-on enfin le bout du tunnel ?
Ismaïl Ould Cheikh Ahmed : Oui, même si beaucoup de difficultés demeurent. Dans la gestion d’une épidémie, l’ultime étape est toujours la plus difficile. Il est beaucoup plus facile de passer de cent à dix cas que de passer de dix à zéro car, au bout d’un moment, les populations sont fatiguées et les donateurs tournent leur attention vers d’autres urgences. C’est pourtant à ce moment-là qu’il faut redoubler de vigilance pour éviter que l’épidémie ne redémarre.
>> Lire aussi : Le cap des 10 000 décès franchi, où en sont les traitements ?
Comment expliquez-vous que le Liberia, qui a connu le plus grand nombre de victimes et qui est apparu à un moment comme le pays le plus touché par cette maladie, ait atteint avant les autres le stade de "zéro cas" ?
Grâce aux analyses dont nous disposons, nous avons noté que ce qui a fait la différence, c’est l’implication des communautés. Lorsque celles-ci sont sensibilisées et acceptent la situation, tout change. C’est au Liberia que les populations ont été les plus promptes à se mobiliser pour faire face à la maladie, en parallèle au travail de l’État et des ONG. Même si, évidemment, l’aide internationale, notamment américaine dans ce pays, a été déterminante.
Les trois pays s’en sortiront ensemble ou ne s’en sortiront pas.
En Sierra Leone et en Guinée, il ne s’agit plus tant de régler le problème des moyens – car nous avons suffisamment de lits, de laboratoires, d’équipes formées – que de traiter les poches de résistance dans les communautés qui continuent de cacher les malades. C’est un problème fondamental, car même si le Liberia s’en sort aujourd’hui, il sera toujours menacé tant qu’il restera des cas chez ses voisins. Les trois pays s’en sortiront ensemble ou ne s’en sortiront pas.
Lors de la conférence organisée le 3 mars à Bruxelles, le Guinéen Alpha Condé, la Libérienne Ellen Johnson-Sirleaf et le Sierra-Léonais Ernest Bai Koroma ont réaffirmé leur intention d’atteindre zéro cas d’Ebola dans la sous-région à la mi-avril. Est-ce réaliste ?
Aux Nations unies, nous avons toujours évité de fixer des dates butoir. Ce que nous disons aujourd’hui, c’est qu’il est possible d’atteindre cet objectif, mais d’ici à l’été. Encore faut-il, bien sûr, que nous obtenions les moyens dont nous avons besoin, c’est-à-dire au minimum 400 millions de dollars [environ 360 millions d’euros] sur les 900 millions promis par les donateurs qui n’ont toujours pas été décaissés.
>> Lire aussi : une cinquantaine de Guinéens, dont le ministre de la Santé ont reçu un vaccin contre Ebola
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